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long des flancs de ce maudit navire, tellement imprégné d’eau de mer et de vase, que, malgré son ardeur, le feu ne put entamer ces épais bordages suintant l’humidité. Nos combustibles épuisés, nous avons dû, pour nous retirer, profiter des derniers nuages de fumée qui, nous dérobant à la vue de l’ennemi, malgré les dernières clartés de l’embrasement des fascines, ne lui permettaient pas de nous viser. Nous avons alors regagné la ville, emportant, afin de leur donner la sépulture, les corps de cinq d’entre nous ; parmi elles, Marie Caron, la digne femme du mercier notre voisin, tuée raide d’une balle reçue à la tempe gauche ; son fils, âgé de treize ans, a eu le bras fracassé. Nous avons aussi rapporté ou soutenu plusieurs d’entre nous, plus ou moins grièvement blessées, au nombre d’une quinzaine. Notre seul regret était de n’avoir pu mener à notre fin cette entreprise. »

Telle est, fils de Joel, la vaillance des femmes de La Rochelle durant le siège de cette cité… Ne se montrent-elles pas les dignes filles des Gauloises des temps héroïques ?

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12 février 1573. — Le frère de Charles IX, le duc d’Anjou (il régna plus tard sous le nom d’Henri III, d’infâme et exécrable mémoire), est arrivé hier au camp royaliste pour prendre le commandement de l’armée ; il est accompagné de ses deux cousins, Henri de Béarn et Condé. Ces deux apostats, qui, après avoir vu égorger sous leurs yeux leurs partisans, leurs meilleurs amis, durant la nuit de la Saint-Barthélemy, ont donné le baiser de paix et d’oubli à Charles IX et le suivent au siège de La Rochelle ; ces fils dégénérés de Jeanne d’Albret et de Condé, la première empoisonnée par Catherine de Médicis, le second, prisonnier sur parole, assassiné par ordre du duc d’Anjou, viennent guerroyer contre leurs frères avec les bourreaux de leur famille. Parmi les autres seigneurs et capitaines de la suite du duc d’Anjou, l’on compte : — le duc de Montpensier ; le prince Dauphin d’Auvergne ; les ducs de Guise et d’Aumale ; les ducs