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moulin avait bon nombre de défenseurs. Le capitaine Normand, accouru sur le parapet du bastion au bruit des arquebusades, criait à maître Barbot de ne pas lâcher pied, de rester avec sa compagnie, et qu’on allait lui porter du secours. Le circuit était long ; aussi avant que nos hommes aient pu se rendre du bastion au moulin, situé bien au delà du fossé, maître Barbot, malgré son incroyable courage, se vit sur le point d’être forcé ; les munitions lui manquaient. Il demande quartier pour lui et pour sa prétendue troupe ; le colonel Strozzi accorde quartier à notre ami, qui, sortant de son poste, montre ainsi que sa compagnie se composait de… son unique personne. Strozzi, furieux, voulait faire pendre maître Barbot, lorsque les gens du capitaine Normand, arrivant en hâte, ont culbuté les royalistes et leur ont enlevé notre intrépide chaudronnier.

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19 janvier 1573. — Soyez béni, mon Dieu !… ma sœur Thérèse Rennepont, Cornélie ma fiancée, ainsi que d’autres hardies Rocheloises, ont échappé, la nuit dernière, à un grand danger. Les brigantins du capitaine Mirant, chargés d’approvisionner La Rochelle de munitions de guerre et de blé, mettent fréquemment à la voile pour le littoral de la Bretagne ou pour Douvres, et rentrent dans notre port avec leur ravitaillement. Les catholiques, afin d’intercepter cette navigation ou de la rendre très-périlleuse, ont, en suivant la côte, amené depuis Brouage la carcasse d’un grand navire démâté ; puis, après l’avoir rempli de sable, ils l’ont coulé à fond non loin de l’entrée de la baie qui conduit à notre port. Cette espèce de ponton ainsi à demi submergé porte plusieurs pièces d’artillerie qui, jointes à celles de la redoute déjà élevée par l’ennemi à l’autre pointe de la baie, doivent croiser leurs feux contre ceux de nos bâtiments qui entreront dans la rade ou en sortiront. Hier, le conseil de défense a décidé que pendant la nuit, vers trois heures du matin, au moment de la plus basse marée, l’on irait incendier le navire, laissé à sec sur la grève par le retrait des eaux. Ce coup de main