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la Font (la fontaine), où affluent, dans un réservoir, des sources abondantes, amenées ensuite à la ville par un aqueduc. Les catholiques s’étaient emparés de ce bourg, afin de détourner les eaux et d’en priver La Rochelle ; ils y ont réussi. Mon oncle le franc-taupin et son compère Barbot, le chaudronnier de l’île de Rhé, avaient proposé de s’introduire souterrainement par l’aqueduc mis à sec, d’arriver ainsi jusque sous le logement des troupes campées à la Font, et de les faire sauter au moyen d’un fourneau de mine ; malheureusement, cette proposition n’a pas été goûtée, l’on a préféré une attaque de vive force ; et nous y avons perdu beaucoup de monde. La Font est restée au pouvoir des catholiques ; les canaux ont été coupés ; mais les fontaines de la ville et les puits nous fournissent de l’eau en quantité suffisante.

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7 janvier 1573. — L’ennemi, afin de resserrer davantage le blocus, a construit deux forts à l’entrée de la baie ou rade qui précède le port intérieur de la ville, de sorte que nos vaisseaux seront obligés de passer sous le feu de ces batteries.

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12 janvier 1573. — Maître Barbot-le-Chaudronnier, notre ami, a accompli, avant-hier, un acte unique, je crois, dans les fastes de la guerre. Il existe non loin de la contrescarpe du bastion de l’Évangile un moulin nommé Brande, où le capitaine Normand plaçait, durant le jour, un poste avancé composé de plusieurs hommes ; le soir, ils rentraient à la ville, ne laissant dans le moulin que leurs armes et une sentinelle. Avant-hier soir, le colonel Strozzi, profitant du clair de lune, est venu, à la tête d’un fort détachement ennemi, renforcé de deux couleuvrines, attaquer le moulin, où se trouvait seul en vedette maître Barbot ; il résolut de tenir ferme et tint ferme, déchargeant tour à tour sur les assiégeants les arquebuses laissées toutes chargées au râtelier du poste ; notre ami poussait de grands cris, contrefaisant plusieurs voix, afin de persuader l’ennemi que le