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un chef général pour commander à la guerre, avec cinq lieutenants.

» Ils éliront, de plus, un conseil supérieur, chargé des intérêts généraux de la fédération. »


(Hélas ! fils de Joel, moi, Antonicq Lebrenn, qui, aujourd’hui bien vieux, relis cette légende, écrite par moi il y a de longues années, je note ici, en parenthèse, une remarque due à mon expérience. En 1572, cet essai de république fédérative, qui seule offre des garanties certaines à la liberté, ne devait être qu’une généreuse tentative, ainsi que l’ont été tant d’autres aspirations précoces, devenues cependant, au jour de leur maturité, des réalités pratiques. Mais l’idée républicaine a profondément remué, pénétré les esprits. Née des excès de l’Église et de la royauté, cette idée, dans l’avenir, leur sera mortelle. )

Plusieurs élus des nouveaux états protestants, avant de fonder la république et de rompre d’une façon irrévocable avec la monarchie, se rendirent hardiment près de Charles IX, afin de lui poser leurs dernières conditions. Ils exigeaient, en faveur de la religion réformée, beaucoup plus que ne lui avaient jusqu’alors accordé les différents édits tour à tour octroyés ou retirés ; Catherine de Médicis, frappée de stupeur, s’écria :

« — Si Condé était encore en vie, et qu’il fût au cœur de la France, dans Paris, avec cinquante mille hommes et vingt mille chevaux, il n’oserait pas demander la moitié de ce que ceux-ci ont l’insolence de prétendre ! »

Pour la première fois, Charles IX, sa mère et les prêtres eurent conscience de cette vérité vengeresse : « — Leur monstrueux forfait, si longuement élaboré, si habilement ourdi, et exécuté avec une audace incroyable, loin d’anéantir la réforme, la rendait plus vivace, plus impérieuse et plus indomptable !… » Deux mois à peine s’étaient écoulés depuis le massacre de la Saint-Barthélemy, et non-seulement les huguenots reprenaient les armes ; mais une frac-