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nots), disait l’exergue dans sa naïveté féroce. Enfin, éprouvant le pieux désir de perpétuer aux yeux de la postérité le souvenir de cette dévote boucherie, le saint-père fit peindre et exposer publiquement au Vatican un tableau représentant le carnage des hérétiques[1]. Enfin un édit du 5 novembre 1572 déclara que « le roi Charles IX ne voulait souffrir dans son royaume d’autre culte que celui de l’Église apostolique et romaine ; et regarderait comme traîtres et hors la loi ceux qui persisteraient désormais dans l’hérésie. »

Parmi les protestants échappés au massacre, beaucoup quittèrent la France ; un petit nombre, frappés de terreur, abjurèrent ; et, entre autres, se déshonorèrent par leur couarde apostasie, les deux jeunes princes, sinon chefs, du moins drapeaux du parti réformé : Henri de Béarn et le prince de Condé, à qui Charles IX dit résolument : — La messe, la mort, ou la Bastille. — Oubliant l’égorgement de leurs frères, oubliant encore, l’un, l’empoisonnement de sa mère, l’héroïque Jeanne d’Albret ; l’autre, l’assassinat de son père, prisonnier sur parole, ces deux apostats assistèrent à la messe, le 29 septembre 1572, et poussèrent l’ignominie et la lâcheté jusqu’à écrire au pape Grégoire XIII « qu’ils le suppliaient humblement de les recevoir dans le giron de l’Église. »

Catherine de Médicis, son fils et le parti catholique ne devaient-ils pas se croire, cette fois, assurés d’un triomphe durable, paisible ? L’apostasie, dont les princes de Béarn et de Condé donnaient l’exemple ; la proscription, la terreur, la mort, ne devaient-elles pas avoir, sinon pour toujours, du moins pour un siècle peut-être, abattu, terrifié, décimé, anéanti les huguenots ? Le silence du sépulcre ne régnait-il pas dans ces villes ou jadis ils chantaient les louanges du Seigneur ? « — Enfin, — disaient les catholiques, — enfin, après plus d’un demi-siècle de luttes acharnées, les protestants sont anéantis !… »


  1. En 1851, ce tableau se voyait encore au Vatican.