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filles d’honneur et les dames de sa cour se tenaient sur le perron, fra‑Hervé, portant toujours la tête de Coligny au bout d’une pique, adressa quelques paroles à la reine ; je ne les entendis pas, mon attention était attirée par l’apparition de Charles IX au balcon d’une fenêtre du Louvre. Il tenait à la main une longue arquebuse ; un page en portant une autre pareille se tenait debout derrière lui, prêt à la lui offrir au besoin. Soudain le roi abaisse son arme, la met en joue, souffle sur la mèche du serpentin, l’approche du bassinet… le coup part… Charles IX relève son arquebuse, regarde au loin et se met à rire… satisfait comme le chasseur qui vient d’abattre le gibier.

— Louis, — demanda Thérèse, sur qui tirait-il donc, ce monstre ?

— Sur des huguenots… Ils fuyaient la tuerie commencée au faubourg Saint-Germain et tentaient d’échapper à la mort en traversant la Seine à la nage…

— Je le dis devant Dieu, qui me voit et m’entend… oui, aussi vrai que Judith a frappé Holopherne… s’il était en mon pouvoir de poignarder Charles IX, sa mère, ses frères, les Guises, et tous les bouchers de cette boucherie… je les poignarderais sans hésitation, sans remords !… — reprit Cornélie Mirant d’une voix calme. Et s’adressant à son fiancé : — Antonicq, ne l’oublions pas ! le châtiment des crimes de l’Église de Rome et de la royauté est un devoir sacré… ce devoir, je l’accomplirai, quoique femme, lorsque sonnera l’heure de courir aux armes !

— Cornélie, je le jure par notre amour ! je le jure par le sang de mon père, tombé sous les coups de son frère fra‑Hervé le cordelier ! si j’échappe aux dangers de cette nouvelle guerre, lorsque viendra le jour nuptial, la main que je mettrai dans la tienne sera lasse… lasse de frapper les catholiques et les soldats de Charles IX !…

— Ah ! mes enfants ! que de larmes, que d’épreuves, que de deuils nous sont encore réservés ! — reprit en soupirant la veuve