Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suite des princes de Béarn et de Condé, lors des fêtes du mariage de la sœur du roi, avaient été logés au palais ; confiants dans l’hospitalité royale, surpris pendant leur sommeil et traînés demi-nus dans la cour, on les égorgeait. Je reconnus de loin, entre autres : MM. de Morge, de Pardaillan, Saint-Martin, et nos braves colonels Piles, Baudiné, Puy‑Viaud ; ils se débattaient, en chemise, au milieu des soldats qui les criblaient de coups de hallebarde ou les assommaient à coups de crosse d’arquebuse, puis dépouillaient les corps de leur dernier vêtement. J’étais en proie à une sorte de vertige causé par les cris, par les gémissements, par les imprécations des victimes, et par l’aspect des ruisseaux de sang où nous marchions jusqu’à la cheville. Les bourreaux avaient étendu devant la façade du Louvre et rangé presque en ordre trois ou quatre cents cadavres encore chauds, pantelants, complètement nus et couchés sur le dos. Je vois soudain apparaître sur un perron, d’où l’on dominait ce carnage, Catherine de Médicis, accompagnée de ses filles d’honneur et d’autres dames de la cour… Elles venaient… — Mais, s’interrompant en frissonnant, Louis Rennepont cacha son visage entre ses mains.

— Louis, — dit Thérèse surprise, — as-tu donc à nous apprendre quelque chose de plus affreux que ce que nous avons déjà entendu ?

— Oui ; car les furies qui profanèrent le cadavre de Coligny, dégradées par la misère, par l’ignorance, hébétées par un fanatisme sauvage, obéissaient à ce fanatisme ; mais Catherine de Médicis et les femmes qui l’accompagnaient, élevées dans le luxe des cours, venaient, en raillant, insulter à des cadavres. Et, le croirez-vous ? elles… — Puis, s’interrompant de nouveau, Louis Rennepont s’écria : — Jamais je ne souillerai vos oreilles de ces infamies sans nom[1] !… — Et il reprit : — Pendant que Catherine de Médicis, ses

  1. Nous n’osons, par respect pour nos lectrices, citer le Registre-Journal de l’Étoile, page 81, où se trouve, in extenso, la conversation, d’une obscénité féroce, tenue entre la reine et les femmes de la cour qui l’accompagnaient, entretien confirmé d’ailleurs par tous les historiens contemporains.