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mis à mort. Les deux Guisards et le bâtard d’Angoulême, entourés de leurs pages porteurs de flambeaux, s’arrêtent devant la façade de l’hôtel, à quelques pas du perron, dont les degrés menaient au vestibule. Le duc Henri de Guise fait un signe, et à l’instant son écuyer Besmes et les capitaines Cosseins, Cardillac, Altain et Petrucci s’élancent, suivis de plusieurs soldats, et gravissent rapidement les montées du premier étage, où se trouve l’appartement de l’amiral. Le voyant perdu, j’étais resté dans la cour, confondu parmi les catholiques ; mais j’ai su, quelques moments après, les détails du meurtre. M. de Coligny, éveillé par les cris de ses serviteurs expirants, devina le sort qui l’attendait ; près de lui avaient veillé durant la nuit son fidèle Nicolas Mouche et le pasteur Merlin. « — Notre heure est venue ; recommandons notre âme à Dieu ! » — leur dit simplement l’amiral. Et, sortant de son lit, il revêt un manteau de chambre et s’agenouille dans la ruelle ; le ministre, le vieux serviteur, s’agenouillent aussi ; tous trois se mettent en prière. Soudain la porte est enfoncée d’un coup de pied : Besmes, l’écuyer du duc Henri de Guise, entre le premier, l’épée haute, suivi des capitaines ; il marche droit à M. de Coligny, qui, sa prière faite, se relevait calme et digne. « — C’est toi qui es l’amiral, lui dit Besmes ; tu vas mourir. — Que la volonté du Seigneur s’accomplisse ! Jeune homme, tu n’abrèges ma vie que de peu de jours, » — répond M. de Coligny. Ce furent les derniers mots de ce grand homme ! Besmes le saisit par le cou d’une main, et lui plonge son épée dans le côté ; le vieillard tombe sur ses genoux ! Le capitaine Cardillac le renverse, lui ouvre la gorge d’un coup de sa dague ; les autres officiers tuent le ministre Merlin et Nicolas Mouche !

Louis Rennepont, dominé par l’émotion, s’interrompt ; la famille Lebrenn reste accablée dans un douloureux recueillement ; un soupir soulève toutes les poitrines, les paroles manquent pour exprimer l’horreur dont chacun est saisi. Louis Rennepont continue ainsi :

— J’étais resté dans la cour ; là, je fus témoin d’une scène peut--