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Thérèse avec anxiété à son mari. — Tu as pris le signe de reconnaissance des catholiques ?

— C’était ma seule chance de salut. Je taille une croix de papier blanc ; je l’attache à mon chapeau ; je coupe la manche d’une chemise dont je revêts mon bras droit. Je ceins mon épée de voyage forgée par ton père, chère Thérèse et je sors de l’hôtellerie. La rue était encore sombre et déserte ; mais le glas funèbre de toutes les paroisses de Paris s’étant joint au tintement précipité de la cloche du Palais sonnant alors à toute volée, grand nombre de fenêtres s’illuminent peu à peu ; l’atmosphère était pesante, pas un souffle d’air n’agitait les luminaires placés sur l’appui des croisées ; ils jetaient dans les rues une clarté presque aussi vive que celle du jour…

— Malédiction sur les gens de Paris ! — s’écrie la veuve d’Odelin. — Le plus grand nombre était donc complice de cette épouvantable boucherie ?

— Hélas ! oui, ma mère… il faut l’avouer à leur honte éternelle, ils ont été les complices de Charles IX et nos bourreaux ! Le peuple et une notable partie de la bourgeoisie fanatisés par les moines et conduits par eux, devaient prendre part au massacre… d’autres en furent les spectateurs impassibles… d’autres enfin cédant à la crainte obéirent aux dizainiers ; ceux-ci ayant la veille ordonné que tout propriétaire de maison fît placer des lumières aux premiers coups de cloche que l’on entendrait sonner pendant la nuit. La cour avait en outre sourdement répandu le bruit d’un complot contre la vie du roi afin de jeter dans la population le doute sur les véritables desseins des catholiques. Ma première pensée fut de courir au logis de l’amiral afin, s’il en était temps encore, de le prévenir du massacre projeté. En gagnant rapidement la rue de Béthisy, je vis sortir de plusieurs maisons des hommes portant ainsi que moi, croix blanche au chapeau et manche de chemise en brassard ; ils brandissaient des piques, des épées, des coutelas et criaient : « — Vive Dieu et le roi !… tue, tue les huguenots ! » — Puis, réunis par