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— Quoi ! — s’écrie la veuve d’Odelin, — ce roi… l’instigateur, le complice de ce crime… a osé ?…

— Oh ! ma mère, il a fait mieux ! il a pleuré, il a appelé M. de Coligny son bon père ! il lui a promis, « foi de roi, que, si haut placés que fussent les meurtriers, ils seraient atteints par la justice ! » Oui ; de ces larmes, de ces protestations royales, j’ai été témoin, car plusieurs de nos amis et moi, nous étions restés auprès du lit où M. de Coligny s’était couché en attendant les chirurgiens. Nous avons donc assisté à son entrevue avec Charles IX…

— Ainsi, Louis, vous l’avez vu, ce tigre à face humaine ? — demanda Cornélie avec la curiosité du dégoût et de l’horreur. — Quelle figure a-t-il, ce monstre ?

— Une figure pâle, sinistre, l’œil vitreux et éteint, quelque chose d’endormi dans le regard, comme si ce fervent catholique, cet assassin couronné, rêvait toujours le crime ! — répondit Louis Rennepont. — Et voyez la ruse sanguinaire de ce digne élève de Machiavel, pour qui la foi jurée, le serment, ne sont que des formes de mensonge plus efficaces, savez-vous, après s’être apitoyé sur la blessure de son bon père et lui avoir, foi de roi, promis justice, savez-vous quelles furent les premières paroles de Charles IX ? « — Je vais à l’instant donner l’ordre de fermer les portes de Paris, afin que personne ne sorte ; ainsi le meurtrier ne pourra s’échapper… De plus, j’autorise, ou plutôt j’engage fortement les seigneurs protestants à qui j’ai offert l’hospitalité au Louvre, pour les fêtes du mariage de ma sœur Margot, à mander leurs amis près d’eux, en manière de sauvegarde… »

— Je devine la ruse du tigre, — reprit le capitaine Mirant. — En fermant les portes de Paris, il empêchait d’en sortir les Huguenots voués au massacre !

— Sans doute, — ajouta maître Barbot-le-Chaudronnier. — De même qu’en engageant les seigneurs protestants logés au Louvre à