Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de loin M. de Coligny revenant à pied, suivi de deux serviteurs ; il lisait une lettre en marchant lentement. Nous hâtons le pas afin de le rejoindre, lorsque soudain nous sommes éblouis par la clarté d’un coup de feu tiré par la fenêtre basse de l’une des maisons du cloître de l’Auxerrois, et Nicolas Mouche s’encourt vers son maître en criant : « Miséricorde ! M. l’amiral est assassiné !… »

Une exclamation d’horreur s’échappe des lèvres de tous les membres de la famille Lebrenn, attentifs au récit de Louis Rennepont ; et le capitaine Mirant s’écrie : — Meurtre et trahison ! c’est donc ainsi qu’ils ont tué ce grand homme !…

— Non, — répondit Louis Rennepont avec un pénible effort. — M. de Coligny, tué d’un coup de feu, serait du moins mort en soldat… Écoutez, écoutez… Je m’élance sur les pas de Nicolas Mouche, je le rejoins au moment où M. de Coligny, pâle, mais calme, disait en désignant du geste la fenêtre par laquelle on avait tiré : « — Le coup est parti de là… » — L’arquebuse était chargée de deux balles ; l’une avait emporté un doigt de M. l’amiral, et il avait reçu l’autre balle dans le bras près du coude ; affaibli par la perte de son sang, qui coulait à flots, M. de Coligny dit à Nicolas Mouche : « — Je pourrai, en m’appuyant sur toi, aller jusqu’à ma maison ; marchons ! » — En effet, il s’y rendit à pied. Quelques officiers protestants le suivaient à distance ; apprenant le crime qui vient d’être commis, ils entrent de force dans la maison où s’était embusqué l’assassin ; mais il venait, leur dit-on, de prendre la fuite par une porte de derrière où l’attendait un cheval sellé tenu en main par un page à la livrée de Guise…

— Les Guises ! Toujours ces Guisards coupables ou complices de l’assassinat des plus vaillants de nos frères ! — dit en frissonnant la veuve d’Odelin. — Ah ! depuis la boucherie de Vassy, de combien de sang ces princes lorrains ont rougi leurs mains ! .. Et la blessure de M. de Coligny fut-elle mortelle ?

— Non… malheureusement pour M. l’amiral… car le lende-