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veut ? J’en ai depuis longtemps offert le sacrifice à Dieu… Du reste, avant-hier, j’ai déclaré au roi que, surtout après la tentative d’insurrection étouffée à Mons, et à la suite de laquelle M. de Lanoüe, mon meilleur ami, était demeuré prisonnier des Espagnols, la France ne pouvait hésiter plus longtemps à soutenir ouvertement la légitime révolte des Pays-Bas contre l’atroce domination de Philippe II. » — Et que vous a répondu le roi ? demandai-je à l’amiral. Vous a-t-il donné quelque garantie de sa résolution ? « Le roi, reprit M. de Coligny, m’a répondu ceci : — Mon bon père, voici venir les noces de ma sœur Margot ; accordez-moi encore une huitaine de jours pour m’ébattre et me divertir, ensuite de quoi, je vous le jure, foi de roi… vous serez, vous et les vôtres, contents de moi. »

Louis Rennepont, à cet endroit de son récit, s’interrompit et s’écria, tressaillant d’horreur : — Le croiriez-vous, mes amis… Charles IX adressait à M. de Coligny ces perfides et doucereuses paroles vers le 15 août, et dans la nuit du 23 au 24 de ce même mois, le massacre… Ah ! c’est affreux !

— Oh ! ces rois !… — dit Marcienne, veuve d’Odelin, levant les yeux au ciel, — ces rois ! notre sang ne leur suffit plus ! ils en sont repus ! Il leur faut railler afin d’égayer le meurtre !

— Mort-de-ma-sœur ! — s’écria le franc-taupin, — M. l’amiral était donc frappé de vertige ! Quoi ! connaissant de longue date ce tyranneau… ce jeune tigre, il n’a pas été mis en éveil par le sinistre double sens que l’on pouvait prêter à ces paroles ?

— Hélas ! non ! — reprit Louis Rennepont, poursuivant son récit. — Et à l’observation que, comme vous, Joséphin, je fis à M. de Coligny, au sujet des paroles du roi, qui, en raison de son caractère d’une férocité sournoise, pouvaient éveiller les soupçons, M. l’amiral me répondit : « — Si l’on en voulait à ma vie, ne m’aurait-on pas déjà tué, depuis six mois que je suis à la cour ? » — Mais, monsieur, lui dis-je, ce ne sont pas seulement vos jours qui sont mena-