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devoirs il m’impose ! Enfin, c’est demain ! jour heureux entre tous !… c’est demain que notre union sera bénie !

Antonicq achevait ces mots, lorsque soudain l’on entendit les pas d’un cheval, qui s’arrêtait au dehors, devant l’armurerie. Thérèse Rennepont tressaillit, se leva, courut à la porte en s’écriant : — Mon mari ! !

Le pressentiment de la jeune femme ne la trompait pas, la porte s’ouvrit, et Thérèse tomba dans les bras de Louis Rennepont.


La joie de la famille Lebrenn en revoyant l’un des siens, le bonheur qu’éprouvait Louis Rennepont à embrasser sa femme et son enfant, à se retrouver au milieu de personnes si chères à son cœur, avaient d’abord dominé tout autre sentiment ; mais, après ces affectueux épanchements, une même question s’échappe de toutes les lèvres :

— Quelles nouvelles de Paris et de l’amiral de Coligny ?

Hélas ! seulement alors, les membres de la famille Lebrenn remarquent la profonde altération du visage de Louis Rennepont, et sa femme, scrutant les traits du jeune homme avec une avide et inquiète curiosité, s’écrie tout à coup :

— Grand Dieu ! Louis, tes cheveux ont blanchi !…

En effet, lors du départ de Louis Rennepont, vers la fin du mois précédent, aucune mèche blanche n’argentait la noire chevelure du jeune homme, et, à son retour, elle était grise ! il semblait vieilli de dix ans !… Ce changement devait avoir pour cause quelque émotion soudaine et terrible… L’exclamation de Thérèse fut suivie d’un morne silence ; tous les regards s’attachaient sur Louis Rennepont avec une anxiété croissante ; il répondit d’une voix altérée :

— Oui, chère Thérèse, oui, mes amis, mes cheveux ont blanchi en une nuit… dans celle de la Saint-Barthélemy, du 23 au 24 de ce mois… — Et frémissant encore d’épouvante, le jeune homme,