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— Que veux-tu dire, mon neveu ?

— Écoutez encore Estienne de la Boétie :

« …… Mais maintenant, je viens à un point, lequel est le secret et le ressort de la domination, le soutien et le fondement de la tyrannie. Celui-là qui pense que les hallebardes des gardes font la sûreté de la défense des tyrans, à mon jugement, se trompe fort… Non, ce ne sont point les armes qui défendent le tyran ; on ne le croira pas du premier coup, toutes fois, c’est le vrai ; ce sont toujours quatre ou cinq (de ses complices) qui maintiennent le tyran et lui tiennent le pays en servage. Toujours il a été que cinq ou six ont eu l’oreille du tyran, et ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les entremetteurs de ses voluptés, les copartageants de ses pilleries. Ces cinq ou six ont au-dessous d’eux cinq ou six cents personnes qui leur sont ce qu’ils sont eux-mêmes au tyran… et ces cinq ou six cents ont à leur tour au-dessous d’eux CINQ OU SIX MILLE larronneaux, auxquels ils ont fait donner le gouvernement des provinces, le maniement des deniers, afin qu’ils satisfassent à l’avarice et à la cruauté du tyran ; qu’ils exécutent ses ordres en leur temps, et fassent d’ailleurs tant de mal, qu’ils ne puissent durer que sous son ombre, ni échapper que par lui aux lois et à leurs châtiments ! Grande est la suite qui vient après cela ; et qui voudra s’amuser à dévider ce filet verra que, non-seulement les six mille, mais des cent mille, des millions, se tiennent par cette corde au tyran, qui, s’aidant d’icelle, peut (comme, en Homère, Jupiter s’en vante) amener à soi tous les dieux en amenant à lui la chaîne. » ( Pages 127 à 129.)

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— Non, jamais le pouvoir centralisateur de la royauté, ce terrible instrument de la tyrannie, n’a été si hardiment mis à nu ! — s’écrie le capitaine Mirant — Ah ! de plus en plus j’en suis convaincu, la fédération des provinces, indépendantes en leur particulier, mais