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ne font trop les sourds, leur crient : Vive liberté ! Plusieurs d’entre elles meurent sitôt qu’elles sont prises ; le poisson perd la vie aussitôt que l’eau ; celles-là meurent pour ne point survivre à leur naturelle franchise ! Si les animaux avaient entre eux des rangs, ils feraient de liberté… noblesse ! Des plus grands jusqu’aux plus petits, lorsqu’on les prend, ils font si grande résistance des ongles, des cornes, du pied, du bec, qu’ils déclarent assez combien ils tiennent cher ce qu’ils perdent. Sont-ils pris, ils nous donnent tant de signes apparents de la connaissance de leur malheur, que s’ils continuent leur vie, c’est plus pour plaindre leur liberté perdue, que pour se plaire en servitude !

» Pauvres gens misérables ! peuples insensés ! nations opiniâtres en votre mal ! aveugles en votre bien ! vous vous laissez emporter devant vous, ravir le plus beau, le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons, les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous pouvez dire que rien n’est à vous. En serait-il de la sorte, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille ? complices du meurtrier qui vous tue ? traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos fruits afin qu’il en fasse le dégât ! vous meublez vos maisons pour fournir à ses voleries ! vous nourrissez vos filles afin qu’il ait de quoi soûler sa luxure ! vous nourrissez vos enfants afin qu’en ses guerres il les mène à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, les exécuteurs de ses vengeances ! Vous épuisez à la peine vos personnes afin qu’il se puisse mignarder en ses délices et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs !

» Mais, certes, les médecins conseillent bien de ne mettre pas la main aux plaies incurables ; je ne fais pas sagement de vouloir en ceci conseiller le peuple ; il a perdu dès longtemps toute connaissance, il ne sent plus son mal, sa maladie est mortelle ! » (Pages 8-9-10.)

— Ces reproches sont sévères et, ce ce semble, immérités, —