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voix mâle et contenue : — On les pleure… mais, Dieu juste ! on les venge !…

— Ô Catherine de Médicis ! reine infâme ! mère de fils infâmes ! sonnera-t-elle enfin l’heure de la vengeance ? — s’écrie le capitaine Mirant. — Quoi, les plus pervers frémissent des crimes de ces monstres couronnés ! on les subit ! et il suffirait d’un souffle pour les renverser !… Ah ! répétons-le, comme le livre de la Boétie : par quel vice sans nom des millions d’hommes souffrent-ils donc volontairement un pouvoir abhorré ?

— Du moins, mon compère, — dit Barbot-le-Chaudronnier, — nous autres huguenots, nous avons montré les dents aux monstres… Mais, en homme du métier, j’avoue nos torts… nous aurions dû mettre une bonne fois à la fonte ce vieux chaudron royal où, depuis des mille et des cents ans, les rois font bouillir Jacques Bonhomme et l’accommodent à toute sauce pour s’en repaître… Le chaudron fondu, c’était fait de cette cuisine du diable ! 


— Oui, compère, — répond le capitaine Mirant, — telle a été notre faiblesse, à nous autres, les plus hardis pourtant ! à nous autres, tant de fois abusés, trahis par des édits menteurs ! Fasse Dieu que le dernier édit n’ait pas le sort des premiers, et que Louis Rennepont, à son prochain retour de Paris, ne justifie pas nos craintes !…

— Mon frère, — dit Marcienne, — je sais combien il faut se défier des promesses, des serments de Charles IX et de sa mère… Hélas ! je ne peux oublier les révélations contenues dans la lettre écrite à son père par ma pauvre fille avant de courir volontairement à la mort, lors de la bataille de La Roche-la-Belle !… Catherine de Médicis et ses fils sont capables d’avoir un jour rêvé le massacre dont cette reine sanguinaire avait confié le plan au jésuite son complice ; mais rappelons-nous aussi que M. l’amiral de Coligny, si prudent, si sage, si expérimenté, enfin mieux à même que personne de juger des choses, puisqu’il voit de près la cour, est plein de confiance dans la durée de la paix. N’a-t-il pas donné un gage certain