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Saint-Ernest-Martyr ; Joséphin, le franc-taupin ; le capitaine Mirant, frère de Marcienne ; et sa fille Cornélie, fiancée d’Antonicq. Enfin, Jean Barbot, chaudronnier, veuf de Jacqueline Barbot, marraine d’Anna-Bell, morte deux ans auparavant, assistait à cette réunion, ainsi que les deux artisans de l’armurerie, Bois-Guillaume et Roland, et un apprenti de quinze ans, surnommé par eux Serpentin.

Ces différents personnages, quoique l’heure du repos eût sonné, ne demeuraient pas inactifs : Marcienne, veuve d’Odelin Lebrenn, filait au rouet. Vêtue de noir, elle voulait conserver son deuil toute sa vie, en mémoire des morts tragiques de son mari et de sa fille Anna-Bell ; les traits de la veuve fortement accentués, sa physionomie à la fois grave, ferme et douce, offraient le type primitif des femmes santones, qui, selon les historiens, s’est conservé pur d’âge en âge et presque sans alliance de sang étranger depuis les temps antiques de la Gaule. Thérèse, fille aînée de Marcienne, s’occupait d’un travail de couture, et, de temps à autre, jetait un regard de sollicitude maternelle sur son enfant, endormi dans un berceau que parfois elle balançait du bout du pied ; Thérèse attendait avec une anxiété chaque jour croissante le retour de son mari Louis Rennepont, parti depuis longtemps pour Paris, où il avait été député auprès de l’amiral de Coligny par les Rochelois. Thérèse est coiffée, selon la mode invariable et séculaire du pays, d’une haute coiffe blanche montée sur un fond piqué ; sa robe, d’étamine grise, est coupée par une pièce d’estomac à carreaux rouges cachant à demi sa guimpe blanche et empesée ; à la ceinture de son tablier pendent deux longues chaînes d’argent à l’extrémité desquelles sont attachés son couteau, ses ciseaux, une pelote, un étui, des clefs et autres ustensiles dont une bonne ménagère est inséparable. Non loin de Thérèse Rennepont et derrière elle, Cornélie Mirant, sa cousine, fiancée d’Antonicq, repasse, debout près d’une table, le linge de la maison ; la figure de Cornélie réunit aussi dans toute leur pureté primitive les traits d’une Santone gauloise des temps héroïques : opulente chevelure châtain--