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qu’à méconnaître les délibérations du conseil de ville, il est mis en jugement à l’expiration de son mandat, et condamné comme traître s’il forfait à ce serment juré par lui à la face de Dieu et des hommes :

« — Je jure de garder les privilèges, franchises, libertés, statuts, ordonnances et droits de la commune, et de les défendre, quoi qu’il advienne ! »

Vous le voyez, fils de Joel, la commune de La Rochelle se gouvernait, s’administrait républicainement par elle-même, de même que les communes du douzième siècle, celle de Laon entre autres, à la défense de laquelle périt notre aïeul Fergan-le-Carrier, dont le fils Colombaïk fut blessé, puis proscrit pour la même cause ; mais depuis cette époque, les libertés communales des cités de la Gaule, violemment usurpées ou traîtreusement étouffées par le despotisme centralisateur de la royauté, ont été peu à peu anéanties ; il fallut aux citoyens de La Rochelle la situation presque inexpugnable de leur ville, leur énergie, leur vaillance, leur généreux esprit d’indépendance, pour conserver ainsi d’âge en âge leurs antiques franchises.

Depuis le nouvel édit de pacification de 1570, de graves événements se sont passés. Catherine de Médicis l’avait dit au père Lefèvre, et ce digne disciple de Loyola devait tressaillir d’aise à ces paroles de la reine : « — Je couverai l’œuf sanglant pondu par le duc François de Guise lors du pacte infernal du triumvirat : il a projeté le massacre général des huguenots sur tous les points de la France le même jour, à la même heure. Ce projet, je le réaliserai ; mais pour qu’il réussisse, il faut surprendre les huguenots désarmés par leur confiance dans les édits de paix. »

L’Italienne ne faillit pas à cette promesse ; à dater de la paix de 1570, Catherine et son fils Charles IX commencèrent d’ourdir mystérieusement la trame où ils voulaient envelopper tous les protestants, surtout leurs chefs, et principalement Coligny, l’homme de guerre et l’homme d’État du parti ; les princes de Béarn et de Condé,