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L’armée royale et l’armée protestante se rencontrèrent en Poitou, près de la ville de Montcontour ; Coligny, très-inférieur en nombre, manœuvrant avec sa prudence et son habileté ordinaires, se retrancha derrière la rivière de la Dive, position presque inexpugnable, à l’abri de laquelle il voulait attendre des renforts promis par Montgomery, presque entièrement maître de la Gascogne. Mais, ainsi que cela était déjà tant de fois arrivé, pour le malheur de la cause, l’amiral, malgré la fermeté de son caractère, dut céder à la fougueuse impatience de son armée, en majorité composée de volontaires ; la campagne durait depuis longtemps, chefs et soldats avaient abandonné leurs familles, leurs biens, leurs métiers, leurs champs, leurs maisons, pour la défense de la religion ; ils désiraient vivement revoir leurs foyers ; aussi, espérant par une victoire imposer de nouveau la paix au roi Charles IX et reconquérir le libre exercice de leur culte, ils demandèrent à grands cris le combat ; Coligny se résigna. Le 3 septembre 1569, il livra bataille à une armée presque deux fois supérieure à la sienne ; malgré les prodiges de bravoure des huguenots, et quoique les royalistes eussent essuyé des pertes considérables dans cette journée, ils restèrent victorieux. Mais après Montcontour, comme après Jarnac, Coligny, loin de se laisser abattre par un revers prévu et qu’il avait en vain tenté de conjurer, opéra une retraite si menaçante, que l’armée catholique n’osa le poursuivre ; durant la nuit même qui suivit la défaite, les chefs protestants, réunis à Parthenay, expédièrent des courriers en Écosse, en Allemagne, en Suisse, pour faire appel à leurs coreligionnaires, rassemblèrent les débris de leurs armées, laissèrent de fortes garnisons à Niort, à Saint-Jean-d’Angély, à Saintes, à La Rochelle, passèrent la Charente, allèrent rejoindre en Gascogne Montgomery, maître de cette province, et Coligny recommença la guerre avec succès, choisissant pour base de ses opérations les fleuves du Tarn et de la Garonne. Des bandes de partisans intrépides harcelaient, lassaient les troupes royales ; Charles IX et sa mère avaient cru les huguenots anéantis après les défaites de Jarnac et de Mont-