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marais, afin de prendre la chaussée à revers. MM. de Soubise, de La Rochefoucauld, de Saragosse, reçoivent et exécutent d’autres ordres avec leur bravoure et leur intelligence habituelles. Bientôt la bataille, engagée sur tous les points, a changé de face ; l’artillerie des huguenots a riposté à la batterie du coteau et éteint son feu ; les royalistes, assaillis de front, sur leur droite et sur leur gauche, sont délogés des retranchements de l’étang. Ils se retirent derrière une première enceinte palissadée, d’où ils continuent un feu meurtrier ; mais les palissades sont rompues ; l’infanterie, puis la cavalerie des protestants s’y précipitent par plusieurs brèches ; la mêlée s’engage acharnée au moment où les sourds roulements du tonnerre et de grosses gouttes de pluie annoncent l’approche de l’orage prévu dès le matin par M. de Coligny.

Moi, Antonicq Lebrenn, qui écris cette légende, j’éprouve un grand chagrin à l’achever ; la fin de ce récit réveille en moi de cruels souvenirs.

L’amiral, lorsque j’étais allé l’instruire de l’échec subi par la colonne de M. de Plouernel, l’amiral, me voyant blessé, avait exigé que son chirurgien pansât ma plaie. Quoique grave, elle ne m’empêchait pas de me tenir à cheval ; le pansement terminé, je me hâtai de retourner sur le lieu du combat. Une nombreuse cavalerie, commandée par le maréchal de Tavannes, ayant à ses côtés le duc d’Anjou, frère de Charles IX, et le jeune Henri de Guise, couvrait la droite du camp royaliste ; M. de Coligny lança contre ces gens d’armes et ces chevau-légers vingt escadrons de reîtres, sous les ordres du prince Frantz de Gerolstein. Je rejoignais alors le champ de bataille. Les coups de tonnerre, de plus en plus fréquents, dominaient les détonations de l’artillerie ; l’orage allait bientôt éclater dans toute sa furie. La cavalerie protestante s’avançait au galop, sur trois lignes de profondeur, afin de charger la cavalerie catholique. Frantz de Gerolstein, l’épée à la main, précédait de quelques pas ses escadrons, entouré de gentilshommes et de pages ; parmi ceux-ci, je crus, avec une stupeur