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dans ma jeunesse, aimais tant le vin… mourir en pleine eau !…

La colonne s’ébranle en masses compactes, au pas de charge, tambours en tête ; et, précédant les tambours, le pasteur Féron entonne ce psaume, bientôt répété en chœur par les protestants, au milieu d’une grêle de balles et de boulets :


« Dieu fut toujours ma lumière et ma vie.
» Mort, je te brave ! ah ! qu’ai-je à redouter ?
» Dieu me soutient de sa force infinie !
» L’homme mortel peut-il m’épouvanter ? »



« Quand les méchants m’ont livré cent combats,
» Lorsqu’ils m’ont cru déchirer de leurs dents,
» Je les ai vus, ces ennemis ardents,
» Broncher, tomber, mourir à chaque pas ! »



« Que tout un camp m’approche et m’environne,
» Mon cœur jamais ne s’en alarmera !
» Qu’en ce péril tout secours m’abandonne,
» La main de Dieu toujours me soutiendra ![1] »


La bataille est dans toute sa furie ; les prévisions du colonel de Plouernel se sont réalisées : malgré des prodiges d’intrépidité, sa colonne, traversant la rivière en masses serrées, compactes, a été accueillie de front et sur les flancs par de terribles feux croisés d’arquebuserie et d’artillerie ; les trois quarts des volontaires sont tombés sous cette pluie de fer avant d’avoir pu traverser la moitié du cours d’eau. Coligny, surpris de la longueur de cette attaque d’avant-poste, dont il croyait le succès assuré en la confiant à M. de Plouernel, a vu soudain revenir Antonicq Lebrenn à toute bride, la cuisse percée d’une balle ; instruit par lui des causes du funeste résultat du combat, l’amiral a aussitôt ordonné aux colonels du Bueil et Piles de se porter au pas de course à la tête de leurs vieux régiments vers la jetée du

  1. Psaume XXVIII, p. 79.