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supplice, sans leur prononcer aucune sentence, ni leur déclarer la cause de leur condamnation, ni même prononcer leurs noms… L’on réservait l’exécution des principaux de ces hérétiques pour après le dîner, afin de donner un passe-temps aux dames qui s’ennuyaient en ce lieu, et de vrai, les Guises et elles, arrangés aux fenêtres du château, comme s’il se fût agi d’assister à quelque comédie, jouissaient de ce funèbre spectacle ; et, qui pis est, le roi et ses jeunes frères comparaissaient à ces spectacles, et les patients leur étaient montrés par M. le cardinal de Lorraine, avec les signes d’un homme grandement réjoui, afin d’animer les jeunes princes contre les hérétiques ; et lorsque l’un d’eux mourait avec audace, — Voyez, sire, — disait M. le cardinal, — voyez, princes, ces effrontés et enragés, la crainte de la mort ne peut abattre leur félonie et leur orgueil ; que feraient-ils donc s’ils vous tenaient[1] ?  »

Le prince de Condé, chef de la tentative, s’était rendu à Amboise avant les réformés ; aucune charge précise ne s’élevant contre lui, les Guises n’osent le faire emprisonner. Il quitte Amboise, attendant un moment plus favorable pour se mettre à la tête du mouvement protestant. De tous côtés en France on demandait la convocation des États généraux ; les catholiques eux-mêmes, écrasés d’impôts par les folles prodigalités de la cour, réclamaient des réformes urgentes ; enfin les huguenots espéraient, suprême espérance ! que la liberté de conscience leur serait accordée, suivant le vœu présumable de l’Assemblée nationale ; les Guises, voulant la tourner au contraire contre la nouvelle religion, avaient mandé à tous les parlements que nul ne fût envoyé aux États généraux s’il ne faisait une profession de foi catholique, apostolique et romaine, faute de quoi, non-seulement il ne serait pas élu, mais emprisonné et dépouillé de ses biens. Les députés élus sous cette effroyable pression arriveraient à Orléans, où devait se tenir l’Assemblée nationale ; ceux des princes du sang et des grands

  1. Régnier de la Planche, p. 424.