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les huguenots traversaient la rivière et assaillaient vigoureusement les positions, bientôt soutenus par le corps d’armée. Il en fut autrement. Le retentissement du chant des psaumes donna l’éveil à l’ennemi, déjoua les projets de Coligny ; les tambours des catholiques battaient déjà de toutes parts le rappel dans leur camp lorsque la première compagnie des réformés déboucha dans la prairie. Le colonel de Plouernel fit faire halte, descendit de cheval, réunit les capitaines et leur dit, afin de s’épargner de nouvelles déconvenues :

— Nous ne pouvons plus espérer surprendre l’ennemi ; je vais, messieurs, vous instruire de mon nouveau plan d’attaque.

À peine le colonel eut-il prononcé ces mots, qu’il entendit une vive arquebusade crépiter du côté de la chaussée de l’étang ; il tourna les yeux vers cet endroit, sans pouvoir s’imaginer d’abord sur qui l’on tirait, car lui et sa troupe se trouvaient hors de la portée de ces projectiles ; mais bientôt les ricochets des balles sur la surface de l’étang attirèrent l’attention de M. de Plouernel, et il distingua çà et là, à une assez grande distance les unes des autres, plusieurs têtes d’hommes casquées s’élevant à fleur d’eau, et qui, de temps à autre, plongeaient dans l’espoir d’échapper aux arquebusades.

— C’est le franc-taupin et quelques Vengeurs d’Israël ! ils viennent de sonder les passages guéables de la rivière et de l’étang, — dit vivement le colonel ; leurs renseignements vont nous être d’une grande utilité. — Puis il s’écria : — Malheur ! l’un de ces braves a été atteint !

En effet, l’un des Vengeurs d’Israël qui, à l’exemple du franc-taupin, et afin de ne pas offrir tout leur corps au tir de l’ennemi, rampaient dans l’eau, à mesure qu’elle diminuait de profondeur aux abords du rivage couvert de roseaux, l’un des Vengeurs d’Israël reçut une balle d’arquebuse en pleine tête, se dressa debout par un mouvement convulsif, étendit les bras, pirouetta sur lui-même et disparut sous l’onde, bientôt rougie en cet endroit. Le franc-taupin et ses compagnons continuèrent de se traîner à travers les joncs jus-