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parenté entre lui et un artisan autrefois imprimeur chez M. Robert Estienne. Odelin répondit qu’il était fils de cet artisan ; et touché de la façon cordiale dont il entendit parler de son père par M. de Plouernel, il noua quelques relations avec lui, trouvant un charme singulier dans ces rapports affectueux avec l’un des descendants de cette antique famille franque en face de laquelle les fils de Joel s’étaient tant de fois rencontrés les armes à la main à travers les âges. Enfin, appréciant de plus en plus le noble caractère, le cœur généreux, la simplicité du colonel de Plouernel, dénué de tout orgueil de race et pénétré mieux que personne des principes égalitaires des réformés, il lui raconta les hasards de l’antagonisme séculaire de leurs deux familles avant et depuis la conquête de Clovis, et lui donna connaissance des passages de la chronique domestique relatifs à ces faits historiques. Peu à peu une étroite intimité se lia entre Odelin et M. de Plouernel ; celui-ci, durant l’interruption des guerres civiles, ayant épousé une jeune fille de Vannes dont il avait deux fils encore enfants, fut forcé de chercher, avec eux et sa femme, un refuge à La Rochelle lors de la dernière prise d’armes des protestants ; il loua des chambres vacantes dans la maison d’Odelin, désirant laisser madame de Plouernel et ses enfants près d’une famille dont il appréciait les vertus. Il ressentait pour Antonicq, fils d’Odelin Lebrenn, un attachement presque paternel ; car il existait entre eux une grande différence d’âge. M. de Plouernel, grâce à sa valeur, à sa renommée, à ses talents militaires et à son expérience de la guerre, fort appréciés des protestants, commandait dans cette campagne un régiment composé presque entièrement de Bretons ; ces soldats, remplis de courage, d’ardeur, mais malheureusement enclins à l’indiscipline, comme tous les volontaires, et encore peu rompus au métier des armes, dont ils ignoraient les nécessités, méconnaissaient souvent l’autorité d’une tactique habile, prudente, et n’écoutaient que leur aveugle intrépidité. Ce régiment et ses compagnies auxiliaires comptaient environ trois mille hommes, rangés en bataille à l’extrémité de l’aile droite,