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entre ses mains. Puis soudain, prêtant l’oreille à un tumulte lointain qui, à travers le profond silence de la nuit, arrivait jusqu’aux profondeurs du caveau : — Mon père, entendez-vous ce bruit ? Les troupes sont sur pied.

— Oui, — reprit Odelin en écoutant à son tour. — Sans doute l’amiral veut surprendre l’armée royaliste avant le jour ; nous allons bientôt nous mettre en marche. Reste de faction à la porte de ce caveau ; le prisonnier est l’objet de tant de haine, que l’on ne saurait tarder à venir le chercher pour le mettre à mort avant la bataille. On trouvera son cachot vide ; tu diras la vérité : tu diras que cet homme était mon frère et que j’ai favorisé sa fuite. Tu viendras, avant de monter à cheval, me rejoindre au logis ; nous y avons laissé ta pauvre sœur, notre brusque départ a dû la surprendre, l’inquiéter peut-être ; car, dans mon trouble, je n’ai pas songé à la rassurer, je le regrette… Hâtons-nous. — Et jetant à fra‑Hervé la cape rocheloise : — Si vous voulez échapper à la mort, endossez ce vêtement et venez… Envers vous et malgré vous, j’agirai en frère jusqu’à la fin…

— Et moi, je te poursuivrai d’une haine vengeresse jusqu’à la fin, apostat ! — répond le moine d’une voix implacable en se redressant et vêtissant la casaque. — Le Seigneur me délivre par ta main ; il a ses desseins : je serai l’exterminateur de ta race hérétique !… Marche… guide-moi… sauve-moi !… Dieu te l’ordonne… Obéis !…

Grâce au déguisement de fra‑Hervé, vêtu de la cape rocheloise, ainsi qu’un grand nombre de volontaires protestants, Odelin réussit à le faire évader du prieuré qui lui servait de prison ; puis tous deux traversèrent les rues de Saint-Yrieix, encombrées de soldats se rendant silencieusement à leur poste, l’amiral, afin de surprendre l’ennemi par une marche de nuit, ayant défendu de rassembler les troupes au son du tambour. Odelin et fra‑Hervé virent passer non loin d’eux le franc taupin et les Vengeurs d’Israël, qui se rendaient à la prison du cordelier afin de procéder à son supplice… quelques instants après,