Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

drais à elle coupable… et repentante, que ta mère te pardonnerait encore ! Et tu n’es pas coupable… tu es victime et non complice du passé ! Ton cœur est reste bon, tes sentiments honnêtes… élevés… tes pleurs… tes remords… tes craintes, me le prouvent… Non, non, rassure-toi, ta mère, ta sœur, t’accueilleront avec bonheur, avec confiance, parce que, j’en jurerais… ta vie sera désormais comme la nôtre, pure, modeste, laborieuse… Ah ! je le sais… et de cela mon cœur saigne… et ma tendre compassion pour toi redouble… tu ne dois jamais connaître les austères et douces joies de l’épouse… de la mère ! C’est la sévère punition d’une faute qu’il n’est permis qu’à ta famille d’absoudre ; mais les enfants de ta sœur seront les tiens ; ton frère aussi se mariera. Cornélie, sa fiancée, est digne de notre affection ; tu tromperas le besoin de ton cœur, en aimant ces enfants comme tu aurais aimé les tiens ; ils te chériront, tu vieilliras près d’eux, près de nous ; va, crois-moi, le foyer domestique est inépuisable en consolations pour les affligés…

Ces paroles, pleines de mansuétude, émurent si profondément Anna-Bell que, tombant aux genoux de son père, elle couvrit ses mains de larmes, de baisers. Puis le contemplant avec une sorte d’adoration : — Ô mon père ! vivante image de Dieu ! votre bonté, votre miséricorde, peuvent seules égaler la sienne !

— C’est que tu souffres… pauvre chère enfant ! — reprit Odelin, dont les yeux se noyèrent de pleurs. Et relevant sa fille, qu’il assit près de lui, il l’enlaça de ses bras. — C’est que tu as encore à souffrir… c’est que tu aimes… c’est que tu dois aimer… sans espoir !

— Mon père…

— Écoute… — reprit l’armurier avec un accent solennel et tendre, — cette fois seulement je te parlerai de ce douloureux amour… Si j’aborde un pareil sujet, moi, ton père… c’est qu’il m’est impossible de blâmer le choix de ton cœur ! Frantz de Gerolstein, par l’élévation de son caractère, la générosité de ses sentiments, la noblesse de sa vie entière, mérite d’être passionnément aimé… aussi…