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se rapproche de la table, écrit rapidement quelques mots, les remet à l’officier en lui disant :

— Monsieur, retournez à toute bride porter cet ordre à M. de La Rochefoucauld. — Et s’adressant à Lanoüe, pendant que l’officier sort précipitamment : — La présence de la reine parmi les troupes royales pourra suggérer à M. de Tavannes le désir d’engager une action décisive… Venez, mon ami, — ajouta Coligny en quittant la chambre, — je veux me consulter avec MM. les princes d’Orange et de Nassau, avant de monter à cheval.

Presque aussitôt après la venue de l’officier dépêché par M. de La Rochefoucauld auprès de l’amiral, Odelin Lebrenn et Antonicq s’étaient en hâte rendus à leur demeure, où Anna-Bell les attendait, leur entrevue avec elle ayant été retardée par la découverte du crime dont M. de Coligny devait être victime.


Odelin Lebrenn avait établi son atelier d’armurerie au rez-de-chaussée de l’une des maisons de Saint-Yrieix, abandonnée par ses habitants. Frantz de Gerolstein occupait avec ses gentilshommes et ses pages quelques chambres, situées au-dessus de la salle basse, servant de demeure à Odelin, à son fils et au franc-taupin ; une litière de paille, où ils couchaient tous trois, garnissait le fond de ce réduit. Près d’une haute cheminée, l’on voyait les marteaux, l’enclume, la forge portative des armuriers. Le jour touchait à sa fin. Anna-Bell, depuis le matin, n’avait pas quitté ce logis ; assise sur un banc de bois, son front appuyé dans ses deux mains, elle prêtait de temps à autre l’oreille du côté de la rue. À la bruyante animation du camp succédaient la solitude et le silence ; toutes les troupes, moins quelques compagnies, chargées de la garde des bagages, s’étaient portées en avant du bourg et des retranchements, afin d’aller se former en bataille à une lieue de là, l’amiral prévoyant la possibilité d’un combat général.