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voyant préparer ce breuvage… Dominique m’a offert de se charger de ce soin… Je n’ai vu là qu’une prévenance et… — Mais l’écuyer s’interrompant, blême d’épouvante, se jette en pleurant aux pieds de l’amiral. — Monseigneur, ayez pitié de moi… Malédiction sur moi ! mon insistance allait vous faire boire ce breuvage empoisonné.

Nicolas Mouche, sanglotant, se tord les mains de désespoir. M. de Coligny le relève avec bonté, lui disant : — Calme-toi, fidèle serviteur… pouvais-tu soupçonner une pareille trahison ?…

— Mon Dieu ! — reprend Lanoüe jusqu’alors muet d’indignation et de terreur, — mon Dieu ! ne permettez-vous donc de tels forfaits que pour inspirer au monde l’exécration des méchants ?

L’amiral, profondément attristé, non de l’imminence du danger dont il avait été menacé, mais de la noire ingratitude d’un serviteur qu’il croyait affectionné, dit à Odelin : — Monsieur Lebrenn, tant de scélératesse est-elle donc possible ?

— Monsieur l’amiral, Dominique a tout avoué… Les instigateurs de ce meurtre sont le duc d’Anjou et le comte de La Rivière, l’un de ses capitaines de gardes… L’appât d’une somme considérable a déterminé l’assassin.

— Ô Catherine de Médicis ! tes enfants se montrent dignes des exemples qu’ils ont reçus de toi ! — s’écrie Lanoüe. — Mais comment avez-vous découvert ce crime, monsieur Lebrenn ?

— Mes remarques de ce matin eussent sans doute à l’heure même éveillé mes soupçons, mais distrait par la brusque arrivée de mon fils et par la nouvelle qu’il m’apportait, je le suivis en hâte ; je passais avec lui à peu de distance d’ici, devant l’ancienne auberge où sont logés vos chevaux, monsieur l’amiral, lorsque je vois sortir de l’écurie Dominique, monté à poil sur un courtaud qu’il venait de brider à la hâte, et partir au galop ; l’effarement sinistre des traits de cet homme, son empressement à fuir du camp, réveillent mes premiers soupçons, je m’élance à sa poursuite en criant : — Arrête ! arrête… — Mon oncle, le franc-taupin, et quelques-uns de ses hommes se trouvaient