Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’amiral essuie de ses mains vénérables ses yeux baignés de larmes à la pensée de l’indignité dont ses enfants sont frappés par son arrêt de condamnation ; il reste de nouveau pensif, puis continue d’écrire.

« J’ai pris les armes, non contre le roi, mais contre ceux dont la tyrannie a obligé les réformés à défendre leur vie ; je savais en conscience que l’on agissait souvent contre la volonté du roi, selon plusieurs lettres et instructions qui en font foi. Je sais que je dois comparaître devant le trône de Dieu et y recevoir mon jugement ; qu’il me condamne si je mens en disant que mon plus vif désir est qu’il soit servi partout en toute pureté, selon ses ordres, et que le royaume de France soit conservé. À ces conditions, j’oublierai bien volontiers tout ce qui m’est personnel : injures, outrages, confiscation de mes biens, pourvu que la gloire de Dieu et le repos public soient assurés ; à cela, je suis résolu de m’employer jusqu’au dernier soupir de ma vie. Voilà ce que je veux faire entendre afin de ne point laisser de mauvaise impression de moi[1]. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’amiral s’interrompt de nouveau ; ses traits expriment un profond attendrissement. — À vous maintenant, mes enfants bien aimés ! — dit-il d’une voix émue. — Combien étaient douces vos caresses, lorsque, pour la dernière fois, je vous ai quittés !… Hélas ! si jeunes encore, la pensée des dangers que j’allais courir ne pouvait se présenter à votre esprit ; je vous ai laissés joyeux… et à cette heure, pauvres chers innocents, vous êtes déshérités, déclarés infâmes !… Ah ! que du moins ma sollicitude paternelle vous suive, vous protège au delà de mon tombeau, qu’elle fasse de vous, avec l’aide du ciel, des gens de bien… et non des gens de cour !

L’amiral continue d’écrire.

« Je prie et ordonne que mes enfants soient toujours entretenus

  1. Nous supprimons quelques dispositions testamentaires relatives à des intérêts de famille de peu d’importance pour nos lecteurs.