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— Un couloir de quelques pas et très-obscur séparait la chambre où je me trouvais de l’appartement de la reine ; me supposant mandée par elle, je m’empresse d’accourir, et au moment où j’allais ouvrir la porte, j’entends prononcer votre nom, monseigneur…

— Mon nom ?

— La reine parlait de vous avec le père Lefèvre.

— Un prêtre de la compagnie de Jésus ? l’un des conseillers du roi d’Espagne ?

— Oui, monseigneur.

— Et à quel propos mon nom était-il prononcé par la reine et par le jésuite ?

— Vous êtes à leurs yeux, monseigneur, un ennemi redoutable, la reine a promis au père Lefèvre de tenter de se défaire de vous… Une de ses filles d’honneur devait être chargée d’accomplir ce meurtre par le poison… Cette fille d’honneur, c’était moi…

— Vous ! vous !…

— Daignez, monseigneur, m’écouter jusqu’à la fin… Épouvantée de ce que j’entendais, je ne pus retenir un cri de terreur involontaire ; presque aussitôt j’entends le bruit des pas de quelqu’un qui s’approchait de la porte ; j’eus heureusement le temps de sortir du couloir obscur et de regagner la chambre voisine sans être découverte ni même soupçonnée d’avoir surpris l’entretien de la reine, car bientôt elle me manda près d’elle… Je vous l’ai dit, monseigneur, elle me rappela d’abord ses bontés pour moi et ajouta qu’elle voulait combler les plus chers… les plus secrets désirs de mon cœur…

— Pourquoi vous interrompre ?

— La honte m’écrase, monseigneur, lorsque je songe à ce qui me reste à vous apprendre !… Mais, il n’importe, je dois, je veux vous convaincre que je suis innocente du projet affreux dont on m’accuse… — Anna-Bell, dont la pâleur s’empourpra d’une rougeur brûlante, reprit d’une voix altérée, sans oser lever les yeux sur le