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jour, tu tomberas infailliblement dans quelque parti d’éclaireurs qui battent l’estrade aux environs du camp protestant, afin de prévenir les surprises.

— Grand Dieu !… madame… tomber entre les mains des huguenots…

— Ah ! si ton courage défaille… tout s’en va à vau-l’eau ! et d’ailleurs, tu ne cours aucun danger ! Est-ce que les huguenots tuent les femmes… et surtout les jolies filles comme toi ?… Te voici donc prisonnière…

— Que faire ensuite, madame ?

— Dire à ceux-là qui t’arrêteront : — « Messieurs, je suis l’une des filles d’honneur de la reine, j’allais rejoindre Sa Majesté, je me suis égarée en route ; je vous en supplie, messieurs, conduisez-moi auprès du prince Frantz de Gerolstein, je l’ai vu à la cour, il aura merci de moi ; il me gardera en otage jusqu’à ce que la reine, instruite de la peine où je me trouve, demande mon échange contre quelque prisonnier protestant… » Tu me comprends bien ?

— Oui, madame…

— Le reste va de soi ; les huguenots te conduisent vers le prince. En galant gentilhomme, il t’établira dans son logis ou sous sa tente, te donnera près de lui la place d’honneur à sa table… et, là où ailleurs… si l’amour t’inspire… tu trouveras facilement l’occasion de mêler au breuvage de Frantz quelques gouttes de ce philtre…

Cet entretien fut interrompu par un page ; il apprit à Catherine de Médicis que le comte Neroweg de Plouernel, ayant reçu à l’instant des révélations importantes d’un espion arrivé du camp des huguenots, demandait à être introduit sur l’heure auprès de la reine ; celle-ci baise Anna-Bell au front, et lui dit :

— Occupe-toi à l’instant des préparatifs de ton voyage, mignonne ; je vais demander un guide à M. de Plouernel, et ordonner à l’un de mes écuyers de faire préparer ta litière ; je te verrai avant ton départ.