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— Je le sais, Christian, vous devez avoir toute confiance dans Brigitte.

— Donc, demain matin, ma femme, après mon départ, éloignera ma fille en la chargeant d’une commission au dehors, et transportera dans le galetas un matelas, des draps, ce qui sera nécessaire enfin pour rendre ce refuge un peu habitable ; mais durant cette nuit-ci, notre hôte devra se résigner à coucher sur le plancher…

— Peu importe… Et comment l’introduire ce soir chez vous à l’insu de votre famille ?… Je connais vos habitudes domestiques : votre femme et vos enfants vous attendent maintenant pour souper dans la salle basse, dont la porte ouvre sur le pont ; ils vous verront entrer avec un étranger… Puis, j’y pense, le frère de votre femme, cet ancien Franc-Taupin, ne vient-il pas presque chaque jour partager vos repas ?…

— Il est vrai ; aussi jamais je ne le mettrai dans notre confidence, quoique ses défauts… et ils sont nombreux chez ce pauvre soldat d’aventure !… soient rachetés à mes yeux par son dévouement, par son adoration pour sa sœur et ses enfants.

— En ce cas, ce soir, comment faire ?

— J’amènerai ce proscrit comme un ancien ami que j’aurai invité à partager notre souper ; mon fils et ma fille, selon leur coutume, regagneront leur chambre à la fin du repas, nous resterons seuls à table, mon hôte, moi, ma femme et son frère, le Franc-taupin, s’il est venu ce soir à la maison. En ce cas, je le prierai, afin de terminer joyeusement la soirée, d’aller chercher un pot de vin herbé ; ce breuvage se vend dans une taverne du quai aux Orfèvres, à quelque distance de chez moi ; je profiterai de l’absence du Franc-taupin pour mettre en deux mots ma femme dans la confidence ; mon hôte montera au galetas, et lors du retour de mon beau-frère, je lui dirai que notre convive, craignant de trop s’attarder, nous a quittés. Vous le voyez, tout peut s’accommoder ainsi avec secret et sécurité.

— Je le reconnais… Maintenant, Christian, si par impossible, si