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sonner à la petite porte du couvent où s’adressent les fidèles qui viennent demander notre assistance pour les agonisants… tu me feras appeler par le frère portier, tu seras introduit, tu trouveras chez nous un asile inviolable.

— Je te remercie de ta promesse et j’y compte… Adieu…

— Adieu et à bientôt, — répondit le cordelier, suivant du regard Hervé, qui s’éloignait rapidement. — Quoi qu’il arrive, — ajouta fra‑Girard, — il est à nous… de telles acquisitions sont précieuses en ces temps de lutte implacable contre l’hérésie…


À l’époque où se passe ce récit, l’on remarquait vers le milieu de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, une grande maison neuve, d’un style simple, gracieux, importé d’Italie depuis le commencement du siècle ; sur une enseigne dorée, ornée des armes symboliques de l’Université de Paris et suspendue au-dessus de la porte, on lisait : Robert Estienne, Imprimeur. De gros barreaux de fer mettaient les fenêtres du rez-de-chaussée à l’abri des audacieuses tentatives des bandits, dont la ville est impunément infestée, précautions défensives complétées par une armature de gros clous de fer à têtes saillantes renforçant encore la solidité de la porte massive, surmontée d’une imposte à demi cintrée où étaient sculptés les attributs des sciences et des arts, élégante ornementation due au ciseau de l’un des meilleurs élèves du Primaticio, célèbre artiste italien appelé en France par le roi François Ier. Cette demeure appartenait à maître Robert Estienne, célèbre imprimeur, digne successeur de son père dans cette savante industrie, et l’un des hommes les plus érudits de ce siècle-ci. Profondément versé dans la science du latin, du grec et de l’hébreu, maître Robert Estienne a élevé l’imprimerie à un rare degré de perfection ; passionnément épris de son art, il apporte un tel soin aux œuvres sorties de ses presses, que non-seulement il cor-