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peut acquérir l’absolution des péchés que l’on a commis et de ceux que l’on a l’intention de commettre !

— Il est… des… choses… que peut-être l’on n’oserait absoudre… — balbutia Hervé avec une secrète épouvante. Malheur à moi ! malheur à moi !…

— Écoute, — reprit le cordelier, — écoute jusqu’à la fin.

La foule entassée dans l’église avait accueilli avec un murmure d’indicible allégresse les paroles du dominicain vendeur d’indulgences ; ceux-là surtout dont l’escarcelle était garnie sentaient combien leur salut devenait facile s’ils se précautionnaient à l’avance d’une absolution embrassant le passé, le présent et l’avenir. Le commissaire apostolique remarqua l’effet produit par ses paroles, et reprit d’un ton jovial et familier :

« — Tenez, mes très-chers frères, raisonnons un peu… Vous voulez, je suppose, entreprendre un voyage dans un pays étranger, infesté de voleurs ; aussi, craignant d’être dévalisés en route avant d’arriver à votre destination, vous ne voulez pas vous charger de votre argent. Que faites-vous, alors ? Vous portez, n’est-ce pas, cet argent chez un banquier, à seule fin qu’en lui accordant un léger profit il vous donne une lettre de banque, moyennant quoi la somme que vous avez déposée chez lui vous est payée à l’étranger, au terme de votre voyage… Vous me comprenez bien, chers frères ? »

— Oui, — répondirent plusieurs fidèles, — oui, oui, nous comprenons…

« — Misérables pécheurs ! — reprit le dominicain d’une voix tonnante, changeant soudain d’accent, — misérables pécheurs ! vous me comprenez, dites-vous ? et vous hésiteriez à m’acheter, pour quelques écus, une lettre de salut !… Quoi ! malgré tous les péchés dont vous pourrez vous rendre coupables durant le voyage de la vie, infesté de tentations diaboliques bien autrement dangereuses que les voleurs, cette lettre de salut vous sera payée au paradis