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tant un brancard recouvert de drap d’or au milieu duquel on voyait, placé sur un coussin de velours cramoisi, une boîte de vermeil ; elle contenait la bulle de Léon X en vertu de quoi il commettait l’ordre de Saint-Dominique à la dispense des indulgences. Plusieurs thuriféraires, marchant à reculons devant le brancard, s’arrêtaient de temps à autre pour mouvoir leurs encensoirs d’argent doré, d’où s’exhalaient des flots de vapeur embaumée ; derrière le brancard s’avançait, serrant entre ses bras une grande croix de bois rouge, un prieur dominicain, commissaire apostolique préposé à la vente des indulgences, homme dans la force de l’âge, de haute taille et si corpulent, que son ventre semblait prêt à crever son froc ; une épaisse barbe noire encadrait son visage, fortement coloré ; à sa démarche triomphante, aux regards superbes qu’il jetait autour de lui, l’on devinait dans ce moine le héros de la fête. Il était suivi des pénitenciers et des sous-commissaires apostoliques, tenant à la main des baguettes blanches ; enfin, d’autres estafiers soutenaient, au moyen de poignées de cuir adaptées à ses extrémités, un vaste coffre recouvert de velours cramoisi et fermé de trois serrures dorées ; une fente pareille à celles des troncs des églises était pratiquée dans le couvercle de ce coffre, destiné à recevoir les deniers des acheteurs d’indulgences ou des fidèles qui voulaient rédimer des âmes du purgatoire. Lorsque la procession, au passage de laquelle la foule se prosterna religieusement, eut achevé de circuler autour de l’église, les estafiers porteurs des bannières les disposèrent en trophée au-dessus du maître-autel, devant lequel furent processionnellement apportés le brancard recouvert de drap d’or, la bulle et le grand coffre ; près de ce coffre se plaça le commissaire apostolique tenant à la main sa croix de bois rouge ; les pénitenciers allèrent se ranger devant plusieurs confessionnaux dressés pour la circonstance aux abords du chœur et ornés des armoiries pontificales. La curiosité éveillée par la marche du cortège accompagnée de l’harmonie de l’orgue et du chant des prêtres avait causé une certaine agitation dans l’église ; peu à peu le calme se rétablit, les fidèles