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enceinte, fermée par une grille de fer à hauteur d’appui, devant être le théâtre des actes les plus importants de la cérémonie. Parmi les spectateurs placés dans le voisinage du chœur se trouvaient Hervé Lebrenn et son ami fra‑Girard, moine cordelier âgé de vingt-cinq ans environ, d’une figure austère et cadavéreuse ! Ce masque ascétique cachait une fourbe infernale servie par une intelligence supérieure ; le moine couvait, pour ainsi dire, d’un regard fascinateur son jeune compagnon, qui bientôt baissa la tête, croisa ses bras sur sa poitrine, et parut en proie à une préoccupation profonde.

— Hervé, — dit fra‑Girard à voix basse, — te rappelles-tu le jour où, poussé par le désespoir, par l’épouvante, tu es venu me confesser… ce qu’à peine tu osais te confesser à toi-même ?

— Oui, — répondit Hervé, tressaillant, — oui, je me le rappelle.

— Alors, — reprit le cordelier, — alors, je t’ai dit que l’Église catholique, dont tu étais presque séparé depuis ta naissance par une éducation impie, offrait des consolations… mieux que cela, des espérances… mieux encore, d’ineffables certitudes aux plus grands pécheurs, pourvu qu’ils eussent la foi. Peu à peu nos longs et fréquents entretiens ont fait pénétrer la divine lumière dans ton esprit, les écailles sont tombées de tes yeux ; cette foi que je te prêchais a rempli, a débordé ton âme… Le jeûne, les macérations, les prières ardentes ont aplani la voie de ton salut… Voici l’heure de la récompense…

À peine fra‑Girard eut-il prononcé ces mots, que les sons graves de l’orgue remplirent d’une harmonie mélancolique la sombre église, où le jour pénétrait à travers ses étroites vitrines coloriées ; une procession venant de l’intérieur du cloître des Dominicains entra dans l’église, dont elle fit le tour en parcourant ses bas-côtés. Le cortège s’ouvrait par quatre estafiers vêtus de rouge aux livrées du pape, ils promenaient des étendards blasonnés où brillaient les armoiries pontificales ; venaient ensuite des prêtres en surplis entourant un crucifix et chantant les psaumes de la pénitence ; puis d’autres estafiers por-