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franc… nous ne te gronderons pas ! Mon Dieu ! nous croyons à la sincérité de tes nouvelles convictions… elles sont ta seule excuse !… Tu auras cru qu’au moyen de cet argent qui restait enfermé dans un tiroir, tu pouvais arracher de pauvres âmes en peine aux flammes éternelles… le côté charitable d’une pareille superstition peut, doit exalter une jeune tête comme la tienne… Je te le répète, ce serait là ton excuse ; nous l’accepterions, dans l’espoir de te ramener à des idées plus saines sur le bien et sur le mal… Mais à ton point de vue, à toi, loin d’être coupable, ton action a dû te sembler méritoire… pourquoi ne pas l’avouer ? Est-ce la honte qui te retient, pauvre enfant ? Ne crains rien, ce secret restera entre ton père et moi. — Puis, embrassant le jeune homme avec effusion, Brigitte ajouta : — Est-ce que les principes dans lesquels nous t’avons élevé ne nous rassurent pas pour l’avenir, malgré ton aveuglement passager ? est-ce que tu peux jamais devenir un malhonnête homme, toi ? toi qui nous as donné jusqu’ici tant de sujets de contentement ? Allons, un effort, mon Hervé… dis-nous la vérité… tu changeras notre tristesse en joie, parce que tes aveux nous prouveront ta franchise, ta confiance dans notre indulgence et notre tendresse… Mais, quoi, tu ne réponds rien ?… rien… quoi, pas un mot ?… — s’écria la malheureuse femme, voyant son fils rester imperturbable. — Quoi ! nous aurions à nous plaindre, et nous supplions !… tu devrais fondre en larmes, et c’est moi qui pleure !… tu devrais être à nos genoux… je suis aux tiens… et tu restes là comme un marbre glacé !…

— Ma mère, — répéta Hervé d’une voix inflexible, les yeux toujours baissés, — je n’ai pas touché à votre argent.

Brigitte, désespérée de tant d’insensibilité, se releva d’agenouillée qu’elle était, puis, sanglotant, se jeta au cou de son mari en murmurant : — Ah ! nous sommes bien à plaindre !

— Mon fils, — reprit Christian d’une voix sévère, — si vous êtes coupable… et, à mon cruel regret, j’ai tout lieu de le craindre… apprenez ceci : eussiez-vous employé à ce que vous appelez « des œuvres