Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hervé resta impassible et muet.


— Ce larcin a été commis hier ou avant-hier, — poursuivit Christian, péniblement surpris, ainsi que sa femme, de l’impassibilité de leur fils ; — cette somme, déposée dans le bahut de notre chambre, n’a pu être soustraite que par quelqu’un très-familier dans la maison…

Hervé, les mains croisées sur ses genoux, les yeux constamment baissés, demeura silencieux, impénétrable.

— Ta mère et moi avons d’abord en vain cherché dans notre esprit qui pouvait avoir commis cet acte coupable, — reprit Christian ; puis il ajouta en accentuant lentement ces dernières paroles : — Il nous est ensuite venu à l’idée que le larcin étant, selon tes convictions, justifiable… justifié s’il était commis en vue d’une œuvre pie… tu aurais pu… dans un moment d’égarement, détourner cette somme afin de la consacrer au rachat des âmes du purgatoire…

Les deux époux attendaient la réponse de leur fils avec angoisse… Christian l’examinait attentivement, il remarqua que, malgré l’apparente impassibilité d’Hervé, une légère rougeur lui montait au visage, et bien que ses yeux fussent toujours baissés, il jeta furtivement sur son père un regard oblique… Ce regard faux et sombre, surpris par Christian, le navra ; il ne douta plus de la culpabilité de son fils, il désespéra même d’un aveu loyal qui pouvait atténuer la gravité d’un acte honteux, et poursuivit d’une voix pénétrée : — Mon fils, je vous ai fait connaître les soupçons douloureux qui pèsent sur notre cœur… qu’avez-vous à répondre ?

— Mon père, — dit Hervé d’une voix brève et ferme, — je n’ai pas touché à votre argent.

— Il ment… — pensa l’artisan désolé, — il ment… mon instinct paternel ne me trompe pas…

— Hervé, — s’écria Brigitte, le visage baigné de pleurs, se jetant aux genoux de son fils et l’enlaçant de ses bras ! — mon enfant, sois