gent, provînt-il du vol, devenait saint si on l’employait à des œuvres pies… tu as dit cela ?
— C’est ma conviction.
L’artisan reprit après un moment de silence :
— Mon ami, tu as été sans doute ce soir réveillé comme nous par le bruit de la procession ?
— Oui, mon père… aussi, dans l’espoir de rendre plus efficaces mes prières pour la délivrance des âmes du purgatoire… je me suis macéré…
— Les moines affirment que les âmes en souffrance peuvent être rachetées par l’argent ?
— À la condition, mon père, que cet argent soit consacré à un usage méritoire…
— Hervé, tu trouverais, je suppose, dans la rue, une bourse remplie d’or, te croirais-tu le droit, sans chercher à t’enquérir du possesseur de la bourse, te croirais-tu le droit de consacrer cet or au rachat des âmes du purgatoire ?
— Je n’hésiterais pas…
— Mon enfant, que dis-tu ? — s’écria Brigitte ; — mais ce serait une mauvaise action ! ce serait user de ce qui ne t’appartiendrait pas !…
— Qu’est-ce que l’argent, ma mère, auprès de la délivrance éternelle d’une âme ?
Christian et Brigitte, après cette réponse, échangèrent un regard douloureux ; leurs soupçons se trouvaient presque justifiés. Du moins ils comptaient sur la franchise d’Hervé : persuadé que tout moyen était licite afin d’assurer le salut des âmes en peine, il avouerait sans doute son larcin. L’artisan reprit :
— Mon fils, nous ne t’avons jamais donné l’exemple de la duplicité, en ce moment surtout où nous devons faire appel à ta franchise, nous te parlerons sans détour, et je te dirai ceci : le fruit des laborieuses épargnes de ta mère et des miennes nous a été récemment dérobé, la somme est de vingt-deux écus d’or…