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— Crois-tu donc, mon enfant, que nous soyons opposés à ton salut ? — dit Brigitte avec un accent d’affectueux reproche ! — Ne sais-tu pas combien nous t’aimons ? toutes nos pensées ne sont-elles pas dictées par notre attachement pour toi… par notre désir de te voir heureux ?

— Le bonheur est dans la foi, ma mère ; et du ciel seul nous vient la foi !

— Tu aurais pu répondre autrement aux douces paroles de ta mère, — dit Christian, voyant sa femme attristée par la sèche réponse d’Hervé. — Si la foi vient du ciel, l’amour filial est aussi un sentiment céleste, Dieu veuille qu’il ne soit pas affaibli dans ton cœur… Dieu veuille enfin que l’influence de fra‑Girard ne tende pas, à son insu peut-être et au tien, à pervertir dans ton esprit les simples notions du bien et du mal.

— Je ne vous comprends pas, mon père…

L’artisan jeta un regard expressif sur Brigitte, qui, devinant la secrète pensée de son mari, éprouva une mortelle angoisse.

— Je vais, je l’espère, mon fils, me faire comprendre, — poursuivit Christian. — Te souviens-tu qu’il y a peu de jours, dans notre atelier, quelques-uns de nos compagnons de travail s’indignaient contre le trafic des indulgences ?

— Oui, mon père ; et j’ai flétri comme elles méritaient de l’être ces paroles blasphématoires.

— Tu as, je l’avoue, parlé fort éloquemment…

— Dieu m’inspirait !

— Seul il le sait !… Quoi qu’il en soit, l’un de nos compagnons a hautement assimilé le négoce des indulgences à un larcin… — reprit l’artisan sans pouvoir vaincre complètement son émotion, tandis que Brigitte cherchait en vain le regard de son fils, qui, depuis le commencement de cet entretien, tenait constamment ses yeux baissés. — En entendant émettre cette sévère opinion sur les indulgences, ajouta Christian, — tu t’es écrié, mon fils, que tout ar-