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— Te l’avouerai-je, Christian, depuis hier que nous nous sommes aperçus de ce larcin, je suis dans des transes continuelles.

— Nul autre que nous et nos enfants n’entre ici.

— Non, à l’exception de nos marchands ou de leurs employés ; mais sachant, entre autres malfaiteurs, les Barbets assez hardis ou rusés pour prendre au besoin l’apparence d’honnêtes commerçants, afin de s’introduire chez nous et d’y tenter quelque mauvais coup, sous prétexte de venir me faire une commande de broderie, jamais ni moi, ni Hêna, nous ne quittons cette chambre lorsque nous y recevons un étranger.

— Je cherche dans mon souvenir quelles personnes de notre intimité ont pu entrer céans, — reprit l’imprimeur avec une pénible anxiété. — Lefèvre, de temps à autre, passe la soirée chez nous ; parfois nous sommes montés ici lui et moi, lorsqu’il m’a demandé de lui lire quelques légendes de notre famille.

— Mon ami, il y a d’abord assez longtemps que nous n’avons vu M. Lefèvre, et de cela tu t’étonnais dernièrement encore ; puis il est impossible de soupçonner ton ami, un homme de mœurs austères, toujours occupé de sciences…

— Dieu me garde de l’accuser ! J’énumérais seulement le très-petit nombre de personnes qui entrent familièrement ici.

— Il y a encore mon frère… C’est, il est vrai, un soldat d’aventure ; il a ses défauts, de grands défauts, mais…

— Ah ! Brigitte ! n’achève pas !… Joséphin a pour toi, pour nos enfants, une affection si tendre, si touchante… Je le crois capable de commettre en pays ennemi de grands excès, ainsi que font les gens de son métier ; mais lui, qui presque chaque jour s’assoit à notre foyer, commettre un larcin chez nous. Jamais je n’ai eu… je n’aurai cette idée !

— Merci de tes paroles, mon ami, oh ! merci…

— Quoi ! tu as pu supposer un moment que je soupçonnais ton frère ?