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L’AUTEUR


AUX ABONNÉS DES MYSTÈRES DU PEUPLE


Chers lecteurs,


Nous abordons l’histoire du seizième siècle, où s’est produit l’un des faits capitaux de nos annales plébéiennes : la grande réforme religieuse qui donna naissance au luthérianisme, au calvinisme, et autres Églises évangéliques, désormais séparées de l’Église catholique, apostolique et romaine ; ces sectes dissidentes forment ce que l’on appelle aujourd’hui : le protestantisme.

Quelques citations empruntées, selon notre coutume, à des documents historiques d’une incontestable autorité, garantiront la scrupuleuse réalité de notre récit et nous mettront à même d’examiner sommairement ces trois points d’une extrême importance :

Des causes de la réforme religieuse au seizième siècle.

Du caractère des guerres religieuses.

Des conséquences morales, civiles et politiques de la réforme.


des causes de la réforme.


Il est un fait hors de toute discussion, un fait acquis au libre domaine de l’histoire : les monstruosités commises par certains papes, entre autres Alexandre VI et Jules II ; les abus, les exactions, les scandales du clergé soulèveront, au commencement du seizième siècle, l’indignation des gens de bien, laïques ou ecclésiastiques ; jamais heure ne fut plus propice à l’avènement de cette réforme, dont les Ariens, les Pélagiens, les Albigeois, les Vaudois, furent, ainsi que vous l’avez vu, d’âge en âge, les courageux précurseurs : la mesure comblée, un pape la fit déborder ; cependant, ce pontife n’était ni un féroce batailleur comme Jules II, ni un exécrable incestueux comme Alexandre VI, qui partageait les horribles faveurs de sa fille, Lucrèce Borgia, avec le cardinal Borgia, frère de cette créature ; non, Léon X, homme d’un caractère aimable, facile, d’un esprit cultivé, sceptique, railleur, de mœurs libertines, se livrait à une prodigalité effrénée, de sorte qu’à bout de ressources, il imagina de battre monnaie en vendant des indulgences à la chrétienté. Nous ne vous citerons pas à ce sujet, chers lecteurs, des écrivains laïques, mais des auteurs ecclésiastiques.

Nous lisons, dans l’Histoire du Luthérianisme, par le père Louis Maimbourg (Paris, 1680, in-4o) :

« La créance des catholiques a toujours esté, que le fils de Dieu a donné à son Église le pouvoir de délier le pécheur pénitent, non-seulement des liens de ses péchés, par le mérite de la passion de Jésus-Christ, qu’on lui applique au sacrement de pénitence ; mais aussi des liens de la peine qu’il devrait subir en ce monde ou en l’autre, afin de satisfaire à la justice divine pour les péchés qu’il commet après le baptême. C’est ce qui s’appelle indulgences ; l’on ne la donne jamais qu’en satisfaisant pleinement à Dieu, par le prix infini des souffrances de son fils qu’on luy offre pour le payement de cette dette. (p. 5.)

» Cet usage, qui a toujours persévéré dans l’Église après les persécutions, se trouve autorisé, non-seulement par les anciens papes, mais aussi par les conciles de, etc., etc. (P. 6.)

» De plus, les pasteurs de l’Église, et surtout les papes, souverains dispensateurs de ce trésor, le peuvent appliquer aux vivants, par la puissance des clefs, et aux morts, par voye de suffrage, pour