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par Luther. En Gaule, les Vaudois du Midi, descendants des Albigeois qui, des siècles avant le luthérianisme, s’étaient séparés de l’Église de Rome, afin de pratiquer l’Évangile dans sa pureté primitive, ont longtemps échappé à la persécution, grâce à leur petit nombre, à leur prudence, à leur modération ; mais aujourd’hui, la réforme se propage en France, ils vont être sans doute, ainsi que les autres réformés, victimes de leur insurmontable horreur pour la communion catholique. François Ier, la noblesse, le clergé, le parlement, la Sorbonne, grand nombre de bourgeois, se montrent implacables envers l’hérésie pour plusieurs raisons : d’abord ils se partagent les dépouilles des hérétiques ; ensuite, depuis que François Ier s’est réservé la distribution ou la vente des bénéfices ecclésiastiques, il est peu de familles de courtisans, du parlement, ou de la riche bourgeoisie, qui ne jouissent de la totalité ou d’une portion du revenu d’un évêché, d’un prieuré, d’un abbaye, d’une prébende, d’une cure ; or, la réforme attaquant, non par la violence, mais par le raisonnement et par la persuasion, les scandaleux abus de ces bénéfices, ceux-là qui en jouissent perdraient, si la raison triomphait, les profits dont ils s’enrichissent ; enfin, la royauté, le clergé, la noblesse, sentent vaguement leur existence menacée par les idées nouvelles : nier, au nom de la raison, l’autorité du pape, source de tout droit, de tout pouvoir… du pape, qui sacre les rois, n’est-ce-pas nier tôt ou tard la royauté ? nier la royauté, n’est-ce pas nier la seigneurie, son principal soutien, et comme elle procédant des sanglantes iniquités de la conquête franque ? Telles sont les causes de la fureur des ennemis du luthérianisme ; l’orgueil, la cupidité, l’amour du pouvoir absolu, sont leurs seuls mobiles ; ce qu’ils défendent, ce sont leurs privilèges, c’est leur superbe, mais non la foi. Les hérétiques, ainsi qu’on les appelle, ne reconnaissent-ils pas les bases immuables du catholicisme : le mystère de la Trinité, la divinité du Christ, la rédemption par l’Eucharistie, et jusqu’au péché originel ? Malheureusement, le peuple, superstitieux et crédule par suite de son ignorance, est complétement