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il suffit de jeter six blancs dans un tronc pour être absous ? Cela m’est dur à croire ; mais plus dur à prêcher. »

Un autre prédicateur, le curé Ménot, s’écriait :

« — Essayez de mourir avec votre dispense du pape ; vous verrez si vous n’êtes pas damnés ! »

Les honnêtes gens éclairés, quelle que soit leur condition, se révoltent contre ces énormités ; mais le peuple, tenu dans une crasse ignorance ; mais beaucoup de bourgeois et de nobles, aussi superstitieux que dépravés, trouvent bon de pouvoir, moyennant quelques écus, être fourbes, larrons, adultères, homicides ! incestueux ! ! parricides ! ! ! (Ma main tremble en écrivant ces terribles mots…) L’indulgence pontificale, payée comptant, les absout devant leur conscience et devant Dieu des plus exécrables forfaits ! Le premier et le plus rude coup porté en ce siècle-ci à l’Église de Rome lui fut porté par Martin Luther. Né en Saxe, à Eisleben, le 10 novembre 1483, fils de pauvres paysans travaillant aux mines, admis par charité à l’université d’Erfurt, puis plus tard moine et prédicateur fameux, Luther, d’abord plein de foi dans l’Église catholique, apostolique et romaine, fait un voyage à Rome, relatif aux intérêts de l’ordre religieux auquel il appartenait. J’ai lu ceci dans les œuvres de Luther (Luther. op., XXII, p. 2376) :

«… Un jour, à Rome, je disais la messe, il se trouva qu’à l’autel voisin l’on avait déjà lu sept messes avant que j’aie pu achever la mienne. — Marche, marche, — me dit un prêtre ; — renvoie vite à Notre-Dame son fils, — faisant ainsi une allusion impie à la transsubstantiation du pain en corps et en sang de Jésus-Christ. — Dépêche, dépêche… finis-en donc une bonne fois.— D’autres prêtres lorsqu’ils disaient la messe (ils s’en vantaient devant moi en raillant), au lieu de prononcer les paroles sacramentelles qui doivent transformer le pain et le vin en la chair du Sauveur, disaient ces mots dérisoires : Pain tu es, pain tu resteras ; vin tu es, vin tu resteras… J’étais un jeune moine grave et pieux ; de telles paroles