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chère avec ses courtisans et sa sultane favorite, Diane de Poitiers ; l’on admire, l’on s’exclame, peu s’en faut que l’on ne décerne l’apothéose à ce « gros garçon qui devait tout gâter, » disait Louis XII après boire. Hélas ! l’homme a tenu ce que l’enfant promettait ! Sa mère, Louise de Savoie, femme perdue de mœurs, l’a corrompu dès l’enfance, comme autrefois Brunehaut corrompait ses fils et ses petits-fils, afin de régner à leur place ; mais les rois sont hors de pages, a dit François Ier ; et, au grand dépit de sa mère, il use et abuse du pouvoir royal. — Cependant de grands événements se préparent, la réforme religieuse en a donné le signal. Les scandales de l’Église de Rome sont devenus si monstrueux, qu’elle-même a tenté, mais en vain, d’y remédier lors des deux conciles de Bâle et de Constance ; le mal résiste et existe dans toute son horreur. Le successeur de l’infâme Alexandre VI et du féroce Jules II, le pape Léon X, voluptueux, ami des arts, libertins et profanes, donne au Vatican des fêtes splendides où les nobles dames d’Italie, que ce pontife courtise galamment, assistent aux représentations de la Mandragore, comédie de Machiavel, licencieuse à ce point, qu’elle ferait rougir des prostituées, impie à ce point, que le malheureux qui répéterait les blasphèmes, les railleries sacrilèges de cette œuvre bouffonne, serait brûlé comme hérétique. Mais il faut de l’or, beaucoup d’or, pour payer les fêtes de Léon X et satisfaire à ses prodigalités ; les annates et les décimes de guerre levés sur l’ignorante crédulité de la chrétienté, destinés à la prétendue croisade contre les Turcs, ne suffisent plus ; la cour de Rome bat monnaie en vendant des indulgences pour tous les crimes, l’Europe est inondée de ces marchands d’indulgences (Hélas ! pour le malheur de notre famille, fils de Joel, vous les verrez à l’œuvre). Cet abominable trafic indigne quelques prêtres, hommes de bien, véritables disciples du Christ. J’ai entendu Olivier Maillard, prêtre, s’écrier en chaire, à propos de ces vendeurs d’indulgences :

« — Cafards ! jongleurs ! ne tenez-vous pas vos auditeurs pour leur soustraire leur bourse ? Croyez-vous qu’avec des milliers de péchés