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Car, au mépris des traités, malgré la foi jurée, au risque de prolonger la captivité de ses fils, garants de sa parole, et d’ameuter de nouveau l’Église contre la France François Ier a-t-il recouvré sa liberté, qu’en 1527 il envoie une armée en Italie ; mais, ainsi que toutes les fatales expéditions contre ce pays, la campagne, heureuse d’abord, malheureuse ensuite, aboutit à une dernière défaite, à une paix humiliante, ruineuse, conclue en 1529. Dans ce traité, François Ier s’obligeait à payer deux millions d’écus d’or pour la rançon de ses fils, jusqu’alors prisonniers à sa place et garants de sa parole… (Paye… paye encore, paye toujours, pauvre Jacques Bonhomme ! encore une rançon à boursiller. C’est un luxe onéreux que les royautés !)

François Ier, en parcourant l’Italie, y a, dit-on à sa louange, pris le goût des arts, goût noble en soi lorsqu’il élève l’âme ; mais, hélas ! Néron aussi aimait les arts ; Néron aussi aimait les palais splendides, ornés des chefs-d’œuvre de Rome et de la Grèce ; Néron aussi, ce bon prince, raffolait de l’architecture, à ce point qu’il fit brûler la vieille Rome pour la rebâtir superbement à neuf, tant cet homme de goût prisait l’élégance et la majesté des monuments ! En vérité, je m’indigne lorsque j’entends tellement glorifier ce goût de François Ier pour les arts, ce goût semble l’absoudre de ses guerres stupides et désastreuses, de son faste écrasant pour ses peuples, de ses parjures, de ses immondes débauches, de la vente à l’encan de ce qui devrait être sacré parmi les hommes : les offices du prêtre et du juge ! Ô dérision ! les impôts sont triplés, la misère est partout ailleurs qu’à la cour ; et parce que, au prix de sommes énormes puisées dans notre bourse, ce bon sire appelle près de lui les plus grands hommes de l’Italie, Benvenuto Cellini, le célèbre orfèvre florentin ; Léonard de Vinci, le peintre inimitable ; Sébastien Serlio, le Rosso, le Primatice, et tant d’autres illustres artistes, afin d’embellir ses splendides résidences de Chambord, d’Anet, de Fontainebleau, véritables palais de fées où le roi gentilhomme fait, à nos dépens, grande vie, grande