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blanche de peau, son regard noir, ardent et rusé, s’attachait souvent à la dérobée sur la duchesse d’Étampes avec une expression de haine sourde, mais si parfois leurs yeux se rencontraient, Catherine de Médicis adressait à la duchesse un sourire enchanteur, rempli de tendresse et de déférence. Parmi les grands seigneurs rangés sur l’estrade l’on remarquait le connétable de Montmorency, et surtout le duc Claude de Guise, et son frère le cardinal Jean de Lorraine, crapuleux, dissolu, immortalisé par Rabelais, sous le nom fictif de Panurge. Ces Guises, princes lorrains, ambitieux, cupides, altiers, turbulents, que François Ier flattait et subissait à la fois, lui inspiraient de telles appréhensions, qu’il disait d’eux à son dauphin : « — Prenez garde, je vous laisserai en pourpoint ; ils vous mettront en chemise. » — Non loin des Guises, et causant familièrement avec le cardinal chancelier Duprat, Jean Lefèvre, ancien ami de Christian et disciple de Loyola, se faisait remarquer, au milieu de ces courtisans brillants et dorés, par la simplicité de sa soutane noire. Les jésuites, depuis la fondation de leur ordre, avaient en six mois déjà parcouru un chemin rapide et ténébreux ; ils dominaient le chancelier, âme damnée de François Ier. Ce roi, lorsque le silence régna aux abords de l’estrade, se tenait encore debout ; sa taille atteignait six pieds de hauteur. Larges épaules, gros ventre, face large, grasse, fortement colorée, cheveux ras, barbe longue, nez proéminent, grands traits qui n’auraient pas manqué de majesté, s’ils n’eussent révélé les bas appétits d’une ignoble sensualité, tel était ce roi très-chrétien. Il s’avança vers son trône, se hanchant, se cadençant ; ce pesant colosse affectait des attitudes de gladiateur, des allures de gendarme. Il s’assit lourdement sur son trône ; puis, toute l’assistance debout et découverte, moins les femmes, il s’adressa ainsi aux princes de sa famille, aux dignitaires de l’Église et du royaume :

« — La chose ne vous semblera étrange, messieurs, si vous ne trouvez en moi le visage, la contenance, la parole dont j’ai accoutumé d’user les autres fois que je vous ai assemblés ; mais au-