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retour de quoi Léon X accorde à François Ier la nomination aux bénéfices ecclésiastiques, en d’autres termes, le droit de vendre au plus offrant ou d’octroyer à ses créatures abbayes, cures, prieurés, évêchés, de même qu’il a déjà vendu les charges judiciaires. Cet honnête traité royal et papal fut ratifié au concile de Latran, le 16 août 1516 ; de sorte que l’on vit des courtisans laïques, des gens de guerre, et même des femmes, maîtresses ou entremetteuses de François Ier, et de ses favoris, posséder prieurés, cures, abbayes, évêchés. Ces étranges bénéficiers faisaient administrer leurs biens ecclésiastiques par des vicaires et emboursaient le produit. François Ier avait mis à l’encan la justice et la religion ; c’était beaucoup, mais point trop, pas même assez pour combler le gouffre de ses prodigalités. Le luxe insensé de ce prince dépassait toute limite ; ainsi, ayant en 1520 (le 7 juin) une entrevue avec Henri VIII, roi d’Angleterre, dans une vallée voisine de la mer, on dressa un camp pour servir de logement à François Ier et à sa cour. Toutes les tentes furent façonnées en étoffes cramoisies doublées de drap d’or ; ce ne furent que galas, fêtes et tournois. Les seigneurs déployèrent à l’envi une magnificence inouïe, dont les vassaux de leurs domaines payèrent les frais. On a dit depuis à cette occasion, en manière de proverbe, que beaucoup de seigneurs portaient, lors du camp du Drap-d’Or, leurs métairies et leurs forêts sur le dos, tant la somptuosité de leurs habits était pour eux ruineuse. Mais Jacques Bonhomme a la vie dure, ses bras sont robustes, sa sueur est féconde ; à force de travaux, il subvenait à peu près au luxe de ses maîtres. La guerre est jeu de prince ; François Ier aimait fort ce jeu sanglant. Était-il las de boire, de chasser, de parader dans les tournois, de courtiser ses maîtresses, de bâtir des palais enchantés, de les combler de tableaux, d’objets d’art d’un prix inestimable, il se harnachait de sa splendide armure de bataille, montait à cheval, et à la tête de sa brillante gendarmerie, tirait l’épée contre ses voisins. Ainsi, en 1521, il déclare la guerre à Charles-Quint, roi d’Espagne, s’empare de Saint-Jean-Pied-de Port