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orné d’un beau luminaire doré, avec l’histoire du Saint-Sacrement en peintures historiées, et d’un dais de lierre au-dessous duquel pendront plusieurs couronnes triomphales et des banderoles où sera écrite cette devise sacrée : Ipsi peribunt, tu autem permanebis. » (Ils périront (les hérétiques), mais toi, tu resteras.)

» La même devise sera transcrite sur des billets attachés au cou d’une nuée de petits oiseaux, à qui l’on donnera leur volée lors du passage de ladite procession, etc., etc.[1] »

Le programme de la cérémonie s’exécuta fidèlement. Le franc-taupin et Odelin entrèrent dans Paris, par la porte de la bastille Saint-Antoine, encapés sous leurs frocs de capucins, et ignorant que le cortège la traverserait, se dirigèrent vers la rue Saint-Honoré, brillamment éclairée par la lueur des torches que chaque propriétaire tenait tête nue au seuil de la porte de son logis, selon les ordres de l’édit royal ; de riches tapisseries, des tentures, des draps ornés de feuillage d’arbres verts, pavoisaient les murailles du haut en bas des maisons ; hommes, femmes, enfants encombraient leurs fenêtres ; une foule bruyante, tumultueuse, animée, circulait joyeuse et acclamant les splendeurs de cette grande fête du fanatisme ; ces malheureux, aveuglés par l’ignorance, par la crédulité, exaltés par une superstition sauvage, se répandaient en invectives forcenées ou en railleries exécrables sur les hérétiques, bientôt livrés aux bûchers, dressés en trois endroits de Paris ; ces supplices devaient couronner dignement la procession dite : « du Saint-Sacrement ». Le franc-taupin et Odelin, arrivés près de l’arcade des Eschappes, aboutissant à la rue Saint-Honoré, où ils comptaient rejoindre M. Estienne, durent attendre que le cortège, annoncé d’un moment à l’autre, fût passé pour pénétrer dans cette rue ; toutes ses issues, fermées de barrières, étaient gardées par des dizainiers de la ville et des archers du

  1. Histoire de la ville de Paris, par Dom Félibien, de la congrégation de Saint-Maur, Paris, 1725, t. V, Preuves, p. 543. — Registres de l’Hôtel-de-ville de Paris, et registres des parlements, p. 507-686.