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tous ceux que je rencontrerai… la calotte rouge de cardinal !… Et maintenant, prends cette besace, courbe l’échine et la jambe traînante, le cou tors ; nous imiterons de notre mieux la basse démarche de cette vermine mendiante.

— Combien ma mère, ma sœur et Hervé vont être surpris en me voyant entrer chez nous, ainsi accoutré ! — dit Odelin, souriant à demi et cédant à l’innocente gaieté de son âge. — Cher oncle ! si mon père est seul instruit de mon déguisement, je frapperai à la porte de la maison en demandant l’aumône en nasillant… Voyez-vous d’ici leur surprise à tous, lorsque je relèverai mon capuchon ?

— Ton idée est bonne, — répondit le franc-taupin avec un pénible embarras. — Mais le jour s’avance, dis adieu à maître Raimbaud et partons.

— Maître Raimbaud reste donc ici ?

— Oui, mon enfant…

— Les chevaux, qui en aura soin ?

— Ne t’inquiète pas de cela, mon ami… adieu…

Et l’armurier, ignorant, hélas ! s’il reverrait jamais son apprenti, qu’il affectionnait presque à l’égal d’un fils, l’embrassa tendrement. — Adieu… et à bientôt, je l’espère…

— Vous me dites adieu d’un air attristé, maître Raimbaud… et comme si nous nous séparions pour longtemps, — reprit Odelin dont le regard devint humide. — Mon oncle… mon cher oncle !… malgré moi, mes inquiétudes renaissent… la tristesse de maître Raimbaud, ce déguisement que vous et moi nous prenons pour rentrer dans Paris… Mon Dieu ! l’on me cache quelque chose !

— Cher enfant, rappelle-toi les recommandations de ton père, — dit l’aventurier. — Épargne-moi tes questions ; je ne saurais maintenant y répondre… Viens… suis-moi…

L’enfant docile se résigna en soupirant, et, chargé de sa besace, descendit l’escalier sur les pas de son oncle ; celui-ci, entendant résonner sur les degrés les éperons d’Odelin, lui dit :